1er septembre > Essai France

C’est un bien curieux livre, étrange, difficile et poétique à la fois. Il est signé d’un logicien et non d’un philosophe. Et pourtant il nous parle du monde, celui dont nous saisissons l’épaisseur à travers nos ordinateurs, tablettes et téléphones. L’exigence contemporaine de la transparence - ici appelée "transparentisme" - voudrait nous faire croire que l’on pourrait désormais tout savoir tout le temps. Evidemment, c’est un fantasme. Jean-Yves Girard nous le démontre en puisant dans la science, mais aussi dans les films d’Hitchcock, les romans de Flaubert, la Bible ou l’actualité.

Ce scientifique s’oppose au scientisme. "Le transparentisme repose sur trois slogans subliminaux : on peut répondre à tout, on peut tout comparer, on peut tout prévoir." Dans de courts chapitres agrémentés d’exemples et de "vignettes", le logicien montre qu’il n’y a pas de réponse universelle à des questions tout aussi universelles. "La vision naïve d’une science qui trouverait sa justification dans la réalité ne tient pas la route ; mais elle rassure."

Mathématicien, directeur de recherche émérite au CNRS, Jean-Yves Girard est l’auteur du Théorème de Gödel (Seuil, 1989) et de La machine de Turing (Seuil, 1995). Sur la logique mathématique et l’informatique, il a exercé une influence aussi considérable que discrète. Hormis l’annexe technique intitulée "Salle des machines", on savoure donc cette tentative réussie de livrer à la portée du vulgum pecus cette approche du monde en tout point fascinante. Face au doute légitime que l’on peut avoir sur la réalité du monde, Jean-Yves Girard lui substitue une certitude raisonnable. Cela n’évacue pas totalement l’incertitude, mais cela la rend supportable. L. L.

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