21 MARS - HISTOIRE France

Catherine Dufour- Photo PATRICK IMBERT/MILLE ET UNE NUITS

Elle est drôle, Catherine Dufour. Un peu punk aussi. Cette jeune femme a le sens du rythme, des plaisanteries gavroches, des anecdotes savoureuses, et surtout elle a beaucoup lu. Ces qualités lui ont permis de transformer notre roman national en croisière déjantée, dans des eaux troubles évidemment. Car, de Clovis à Thiers, le périple passe bien vite de la rivière enchantée à la rivière de sang, de larmes et de souffrances, où surnagent les héros et les fous. Et ces gens étranges, ce furent nos rois et nos reines.

Car en effet, il s'agit bien de notre histoire. Catherine Dufour a simplement changé d'angle. Elle ne retient que le truculent, l'inattendu ou le sordide pour garder l'attention de ses lecteurs dans ce voyage chronologique fait de courts chapitres.

Catherine Dufour n'est pas historienne. Elle est en revanche spécialiste des histoires. Elle a même réussi à se faire une place dans le monde très sélect de la science-fiction en ayant publié son premier roman à 35 ans. Avant, elle a vendu des voitures à Drancy et des perles à Tahiti. En 2005, Le goût de l'immortalité (Le Livre de poche, 2010) a remporté la quasi-totalité des prix littéraires dédiés à la science-fiction, et elle a reçu en 2008 le grand prix de l'Imaginaire pour une nouvelle de L'accroissement mathématique du plaisir (Folio SF, 2011).

Novice en histoire, Catherine Dufour ne l'est donc pas dans la manière d'en raconter. C'est d'ailleurs ce côté voyou qui rend cette Histoire de France pour ceux qui n'aiment pas ça originale. Car pour le reste, Catherine Dufour rend aux Césars - c'est-à-dire aux historiens - ce qui leur revient.

Concernant son style, écoutons ce qu'elle nous dit de Philippe Auguste et d'Ingeburge : "D'ordinaire, même mariés à une grosse caisse, même homosexuels jusqu'à la moelle des os, les rois font l'effort d'engrosser leur épouse." Avec la même irrévérence, elle évoque Jean le Bon qui envoie "les émissaires anglais siffler sur la colline avec un petit bouquet d'églantines". Elle considère également que "la vie d'Isabeau, mariée à un dément dans une famille d'assassins, doit ressembler à celle d'un pop-corn dans une chaudière".

Avec ce ton badin, elle sillonne l'histoire de France. Elle s'amuse beaucoup avec le Moyen Age où les rois meurent de colique, relativise la Renaissance - "Qu'on ait donné le beau nom de Renaissance à un si effroyable salmigondis peut laisser perplexe" - et s'attarde sur les fistules de Louis XIV.

Bref, derrière tout cela, il y a une vraie passion pour le passé et les gens du passé. Après la Révolution, le rythme s'accélère. Les XIXe et XXe siècles n'inspirent guère cet auteur qui doit lire Georges Duby en écoutant les Sex Pistols. Catherine Dufour a inventé une sorte de punk histoire de France. Avec elle, c'est sûr, vous ne vous ennuierez pas.

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