A droite, des murs de romans de fantasy et de SF. A gauche, des piles de bandes dessinées. Au milieu, des tables de nouveautés. Installée depuis cinq ans rue La Fayette, à Paris (10e), La Dimension fantastique assume ce double positionnement, par goût avant tout. « Ce parti pris surprend un peu, même parmi les professionnels, sourit derrière sa barbe Xavier Cespédès, 31 ans, un des deux associés. Nous poussons même la différence en s'inspirant des librairies anglo-saxonnes avec un coin lecture cosy et en ouvrant le dimanche. » La BD représente 60 % d'un chiffre d'affaires estimé à 250 000 euros.
Car ne vendre que de l'imaginaire paraît tout simplement impossible, comme l'illustre Trollune à Lyon. Là, c'est le jeu qui fait vivre la boutique. Une fois passée la devanture anonyme, on est submergé de figurines et de flacons de peinture, même si quelques romans tentent d'émerger au milieu des boîtes de jeu. « Le jeu de société connaît une croissance supérieure à 20% depuis plusieurs années, explique Yannick Peyrede, un des associés de cet établissement ouvert en 2005 et qui emploie onze personnes. Dès lors, malgré une activité constante, le livre pèse moins au bilan. » C'est-à-dire, 11% d'un chiffre annuel de 1,5 million d'euros. Tout de même. Sous l'impulsion de la libraire Charlotte Hayart, l'espace littérature, à l'imposant fonds anglophone, s'est embelli. « Après avoir créé le rayon young adult, nous avons déstocké, transformé des étagères en tables, séparé les genres... Cela a permis de faire redécouvrir la librairie à des gens qui ne venaient que pour le jeu. Et nous venons de créer un petit rayon d'albums pour enfants. »
Croiser les publics
La jeunesse reste la bouée du Nuage vert, petite libraire lumineuse, rue Monge à Paris (5e). « J'ai choisi d'avoir un gros rayon jeunesse car mes clients adultes achètent aussi pour leurs enfants, explique Eléonore Calvez, gérante et seule libraire de l'endroit. Et parce que j'espère conserver les enfants comme clients quand ils grandiront ! » Ouverte en 2018, la boutique a souffert des manifestations et des coupures de métro le samedi. Mais la libraire, qui vend aussi un peu de BD en complément, commence à fidéliser et espère pouvoir prendre un apprenti l'an prochain.
Autre modèle, à Grenoble, Omerveille est basée dans le quartier des antiquaires depuis 2006, après avoir commencé « en mode ambulant dans un camion », raconte le gérant Frédéric Fromenty. La librairie propose un peu de BD mais se distingue par ses livres d'occasion. « Il faut entasser beaucoup, mais j'ai des clients qui viennent car ils ne trouvent pas ailleurs ce qu'ils cherchent. Des livres épuisés, et même des suites de séries, manquantes dans les grandes enseignes... » Car chez les généralistes, faire vivre un rayon imaginaire a longtemps été une gageure. Ce qui serait en train de changer, selon Marie Stonestreet, libraire chez Mollat à Bordeaux. « Depuis deux ans, le rayon imaginaire a pris énormément d'ampleur, avec un élargissement du lectorat et des choix des lecteurs. Du coup, le conseil porte ses fruits. L'avantage à Mollat est que le rayon SF et le rayon ado sont placés au cœur du rayon poche. »
Enfin, l'autre moyen -d'accrocher les lecteurs est de multiplier les événements. Outre les rencontres-dédicaces, Mollat pratique les matinales -dédiées aux bibliothécaires et en consacre une à -l'imaginaire en octobre. La Dimension fantastique organise des apéros conseils, un club de lecture très convoité, des brunchs et même un festival censé mixer les publics : Imagibière. L'imaginaire, pour bien le vendre, il faut le faire un peu mousser. W