13 AVRIL - HISTOIRE France

On peut voir dans sa démarche comme un écho aux récents événements liés à la crise de l'euro et à la contestation populaire. Joëlle Fontaine ne s'en cache pas, tout en rappelant que l'Etat grec a été déclaré en faillite en 1932, au grand dam de son principal créancier d'alors, l'Angleterre. Dans cette étude fouillée, elle veut mettre en évidence les capacités des Grecs à rebondir et à défier l'oppression, qu'elle soit politique, économique ou sociale.

De quoi s'agit-il ? De la création, durant la Seconde Guerre mondiale, de l'EAM (front national de libération grec), rassemblant le parti communiste avec d'autres partis de gauche, et de son bras armé, l'Elas (armée populaire grecque de libération), pour se dégager du joug exercé par l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie. C'est cette guerre d'Albanie héroïquement gagnée contre Mussolini qui façonne durablement la résistance grecque, avec des conséquences inattendues. Hitler veut reprendre le contrôle de la zone en l'occupant, et Churchill fait l'éloge des valeureux combattants tout en craignant cette avancée significative des "rouges".

"La Grèce fut, en 1945 et pour de longues années, le seul pays d'Europe où avoir été résistant entraînait persécutions, emprisonnement et déportation, tandis qu'on réservait les postes et les honneurs aux hommes qui avaient collaboré et participé aux massacres des partisans."

De l'occupation allemande à la guerre civile en Grèce, l'historienne explique le rôle des trois grands alliés (Etats-Unis, Angleterre, URSS) dans ce partage de l'Europe sans avoir pris en compte l'aspiration et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Elle met ainsi en exergue le rôle ambigu et néfaste de Churchill qui accueille Georges II à Londres, appuie Georges Papandréou en 1944 et réinstalle le roi en 1946.

Les conséquences sont terribles. La guerre civile qui s'en suit dure trois ans. En fin de compte, les communistes partent dans les montagnes et les colonels s'installent à Athènes. Comme l'Espagne de Franco ou le Portugal de Salazar, la Grèce aborde l'après-guerre dans un chaos sans véritable démocratie, mais qui rassure les Américains en pleine guerre froide. "On ne peut comprendre ce qu'est la Grèce actuelle en ignorant ces années de guerre et de dictature qui ont laissé des traces profondes." Joëlle Fontaine montre aussi que pour les Grecs, l'importance et l'action de l'EAM ont dépassé la portée d'un simple mouvement de résistance pour incarner quelque chose de plus intense, de plus essentiel.

Le prestige de l'Athènes antique a fait oublier l'engagement de l'Athènes moderne. En ouvrant ce dossier peu connu, dans un ouvrage aussi ardent que référencé, Joëlle Fontaine assure un rééquilibrage de l'histoire. En soulignant au passage le rôle actif de l'Institut français d'Athènes en faveur de cette résistance grecque.

Les dernières
actualités