3 avril > Sciences France

Pour le cinquantenaire de la mort de Norbert Wiener (1894-1964), le Seuil propose de redécouvrir l’œuvre de ce grand mathématicien américain, inventeur d’un mot et d’une nouvelle discipline scientifique, la cybernétique.

Pierre Cassou-Noguès ne pouvait être absent de cet hommage, lui qui circule si facilement entre la science et la fiction (Lire le cerveau, Seuil, 2012), entre la logique et les revenants (Mon zombie et moi, Seuil, 2010). Dans Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener, il est à son aise. Comme il l’avait fait pour Kurt Gödel (Les démons de Gödel, Seuil, 2007), il explore les archives inédites du savant pour en tirer une enquête très personnelle. Il débusque une nouvelle policière de Wiener - reproduite en annexe - dont il tire des éléments autobiographiques pour comprendre ce personnage inouï, d’une prodigieuse habileté à se mouvoir dans les différents domaines du savoir.

Grâce à Pierre Cassou-Noguès, nous suivons cette intelligence bouillonnante et fantasque où il est question de bombe nucléaire, de machines désirantes et d’usines automatiques. Entre philosophie, science, psychanalyse et littérature, ce professeur à l’université de Paris-8 Vincennes nous entraîne dans le monde des robots et des cyborgs. Il nous invite aussi à réfléchir sur la responsabilité du savant. En clair, ces machines pensantes interrogent notre cerveau qui, à la différence d’un ordinateur, ne peut être mis en route qu’une seule fois.

Pourquoi d’ailleurs nous voyons-nous comme des machines ? A cause de la notion de travail, du capitalisme, de la rentabilité ? Toutes ces questions et bien d’autres sont abordées dans cet essai, qui procède par coups de sonde sur tel ou tel aspect de la vie ou des recherches de Norbert Wiener.

Pierre Cassou-Noguès propose une approche aléatoire qui fonctionne par instinct et par déduction, comme dans les nouvelles policières de Poe auxquelles il fait référence. On saisit mieux ainsi les scénarios et les cauchemars de Wiener qui confessait souffrir d’une maladie récurrente, celle d’être en avance sur son temps.

Les rêves et les fantasmes de ce pionnier s’expriment parfaitement dans La cybernétique ou Cybernétique et société. Pour Wiener, la notion de post-humain, aujourd’hui si discutée, n’avait pas de sens puisque le monde autour de nous était déjà "celui de Bergen-Belsen et d’Hiroshima". Quant à ce petit avantage de voir un peu avant les autres, ce génie aux airs de père Noël avait prédit en 1954 : "Un jour, les enfants auront des jouets si compliqués que leurs parents ne comprendront pas comment ils marchent, ni comment les réparer." Laurent Lemire


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