Photo © PHILIP DRAGO JØRGENSEN

Pour pénétrer dans les locaux du groupe JP/Politikens Hus à Copenhague, il faut montrer patte blanche. Les menaces islamistes essuyées après la publication de caricatures de Mahomet ont laissé des traces. Jussi Adler-Olsen, lui, semble plus détendu. Chic dans son costume ajusté, un bouc poivre et sel parfaitement taillé qui lui donne un faux air de Dennis Hopper, le nouvel auteur phare du polar danois reçoit dans une pièce où sont empilées les éditions étrangères de ses livres, traduits en trente langues.

Miséricorde, à paraître début octobre chez Albin Michel, s'intitule ainsi The keeper of lost causes aux Etats-Unis. On y découvre le héros récurrent d'Adler-Olsen, l'inspecteur Carl Morck. Un grand Jutlandais ayant servi vingt-cinq ans dans la police de Copenhague, dont dix à la brigade criminelle. Enquêteur hors pair connu pour son regard ironique et ses remarques acides qui en exaspèrent plus d'un, Morck a frôlé la mort. A son retour de convalescence, il a été nommé à la tête d'un nouveau département chargé de rouvrir de vieux dossiers. Qu'est-il arrivé à Merete Lynggaard, la belle et élégante vice-présidente du parti des démocrates ? Elle a disparu en deux minutes sur un ferry cinq ans plus tôt, une présomption de décès a ensuite été prononcée...

Le lecteur sera saisi par l'une des plus perverses histoires de vengeance de récente mémoire, où intervient une cellule sous pression qu'il n'est pas prêt d'oublier. Le maître d'oeuvre de cette mécanique implacable se révèle intarissable sur son parcours rocambolesque. Fils d'un psychiatre, "l'homme le plus cultivé du Danemark" selon son rejeton, le jeune Jussi grandit dans les hôpitaux où exerce papa - ce qui le rapproche d'un autre écrivain, Patrick McGrath. Vol au-dessus d'un nid de coucou ressemble à un conte de fées pour celui qui côtoyait, enfant, des malades enfermés dans des cages. Une époque où n'existait pas encore la camisole chimique...

A 17 ans, le guitariste autodidacte joue, "plus vite qu'Alvin Lee de Ten Years After !", dans plusieurs groupes de rock locaux, fume des joints, écoute Cream et Hendrix. Après avoir étudié la médecine, les sciences sociales et le cinéma, il ouvre à Copenhague une échoppe rappelant celle du héros de Haute fidélité de Nick Hornby. Il y vend des bandes dessinées d'occasion, des comics Marvel importés des Etats-Unis, tout en se montrant un actif militant pacifiste. Des années plus tard, il finira patron de presse et éditeur d'un important hebdo télé.

Plus d'un million d'exemplaires

L'écriture l'a toujours taraudé. Pour se faire la main, il rédige un premier roman de quatre cents pages dont l'action se déroule au Cambodge et en Ouganda. Un manuscrit qu'il a conservé et sait "totalement raté" ! Ses débuts dans le thriller datent de 2003 et de The alphabet house, qui lui vaut un succès immédiat. A l'instar des trois autres coups gagnants qu'il signe dans la foulée. L'idée de se lancer dans une série vient d'un producteur de télévision qui lui suggère de concocter un pendant danois aux aventures du Martin Beck de Sjöwall et Wahlöö. Ainsi naît Carl Morck, dont il n'a jamais cherché à imaginer à quoi il peut ressembler physiquement, préférant se glisser dans sa tête.

Miséricorde a reçu les prix scandinaves les plus prestigieux et s'est écoulé à plus d'un million d'exemplaires au Danemark. Avant de devenir un véritable phénomène d'édition partout où il est importé. Jussi Adler-Olsen dit aimer être dans le mouvement, le changement - il a retapé pas moins de douze maisons, n'est jamais resté plus de six ans quelque part. Il s'intéresse surtout au suspense, au point de vue. D'après lui, tous ses livres parlent de la même chose : de l'abus de pouvoir ou du mauvais usage que certains en font.

Notre homme se prétend feignant. Capable de passer ses journées en pyjama à regarder un bon film ou un match de football. Il s'oblige donc à s'asseoir à sa table de travail cinq heures par jour, sans avoir peur de la page blanche, puis arrête pour s'occuper de sa famille et de ses amis. Le quatrième épisode des enquêtes de Carl Morck est déjà disponible dans les librairies danoises, le cinquième en cours d'écriture. Parions que la France s'apprête à succomber à son tour à la tornade Adler-Olsen !

Miséricorde, Jussi Adler-Olsen, traduit du danois par Monique Christiansen, Albin Michel, 22, 50 euros, 489 p., ISBN : 978-2-226-22993-9. Sortie : 5 octobre.

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