Essai/France 20 février Philippe Garnier

Tout le monde se souvient du design particulier d'un paquet de biscuits ou d'une boîte de bonbons. Les emballages nous marquent parce qu'ils nous renvoient à l'enfance, sinon comment expliquer qu'on puisse encore s'extasier devant un tube de lait concentré ? Dans une série de vignettes, Philippe Garnier réfléchit sur ces objets transitionnels qui nous permettent de passer à autre chose sans oublier d'où l'on vient. « C'est pour cet enfant hyperbolique que travaillent sans relâche les packageurs, les industriels et les logisticiens de l'emballage. Leur boussole n'est rien d'autre que le gisement de l'enfance qui est en eux. » D'ailleurs, l'emballage a été au XXe siècle une source d'inspiration pour de nombreux créateurs : Warhol et ses soupes Campbell's, Manzoni et ses boîtes de « merde d'artiste », Spoerri et ses « tableaux pièges », Arman et ses « poubelles ».

Aujourd'hui, l'emballage a mauvaise réputation. On lui préfère le vrac avec sac en papier recyclable. On veut supprimer la trace de notre consommation dans un monde qui déborde. L'emballage est devenu un encombrant et le plastique étale le trop-plein du monde. « Il est rare, dans un film de fiction ou une série, de voir un personnage jeter quelque chose. La vie se déroule autour d'un point invisible, qui est celui de la poubelle. Nous voyons parfois ce que les personnages achètent et consomment, presque jamais ce qu'ils éliminent. »

Créateur de livres inclassables - ce sont souvent les plus intéressants - comme La tiédeur (PUF, 2000) ou Une petite cure de flou (PUF, 2002) Philippe Garnier pose un regard plus poétique que moral sur nos déchets. Il interroge à sa façon le problème du contenant dans un monde où l'on ne jure que par le contenu. Éditeur, il privilégie comme Georges Lambrichs les textes courts pour ne pas cerner les sujets qu'il aborde. Il les traverse comme on marche dans une forêt à la recherche d'une émotion. Cette mélancolie, c'est celle de l'objet, de l'objet jetable comme ce pot de yaourt qu'évidemment il faut trier. Sous ses dehors légers comme une chanson de Souchon, le livre de Philippe Garnier soulève des questions profondes sur notre relation au monde, à la consommation et l'impact de tout cela sur nos souvenirs. Bref cet essai a tout pour vous emballer.

Philippe Garnier
Mélancolie du pot de yaourt : méditation sur les emballages
Premier Parallèle
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 16 euros ;152 p.
ISBN: 9782850610288

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