19 août > Roman France

C’est une histoire demeurée célèbre. Celle de la rencontre entre un homme et une camionnette. Le 25 février 1980, alors qu’il sort d’un cours au Collège de France, Roland Barthes est renversé sur la chaussée. Il décédera un mois plus tard. L’Histoire a retenu le tragique fait divers, le roman ne saurait s’en contenter. C’est ce que semble nous dire Laurent Binet avec La septième fonction du langage, qui prend comme postulat de départ l’hypothèse que l’accident du sémiologue était un assassinat.

Il s’ensuit cinq cents pages voyageuses, furieusement romanesques, aux confins de tout ce que notre pays comptait alors d’éminences, intellectuelles comme politiques. Jacques Bayard, un commissaire de police guère au fait des subtilités de ce monde-là, mène l’enquête. Il s’adjoint bientôt les services d’un enseignant en sémiologie à Vincennes, Simon Herzog. Lequel, détective d’abord réticent, va se retrouver à côtoyer Michel Foucault dans un sauna, Derrida chez lui, Giscard à l’Elysée, Hervé Guibert dans une fête, etc. Il sera à Bologne lors de l’attentat meurtrier de la gare, il connaîtra les redoutables "parapluies bulgares", il traversera l’Atlantique sur les traces d’un mystérieux document, il couchera avec une femme fatale, il vivra, comme il n’aurait jamais pu imaginer pouvoir le faire.

Nul doute que l’on reprochera à Laurent Binet de s’être ainsi attaqué, avec cette insolence "échevelée", à quelques mythologies de notre beau pays. C’est oublier que s’il y a une constante paradoxale dans son œuvre, de HHhH (Grasset, 2010) à Rien ne se passe comme prévu (Grasset, 2012), c’est le sens de la satire, une appréhension tragi-comique du réel. Cette épopée est aussi et d’abord une éducation sentimentale et un plaidoyer pour les sortilèges de la fiction. O. M.

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