3 janvier > Roman France > Gaëlle Josse

Dès Les heures silencieuses, son premier livre paru en 2011 chez Autrement, Gaëlle Josse a trouvé auprès des lecteurs un accueil attentif. Avec Une longue impatience, le troisième roman accueilli dans la collection "Notabilia" de Noir sur blanc après le remarqué Le dernier gardien d’Ellis Island (2014) et L’ombre de nos nuits (2016) couronné par le prix France Bleu/Page des libraires, on retrouve dans ce portrait d’une mère terrassée par un chagrin sans consolation le lyrisme calme et sobre, le sens de la tragédie psychologique en sourdine de cette romancière venue de la poésie.

On est dans les années 1950, dans un bourg côtier breton. Celle qui se raconte est Anne, une femme qui attend son fils. Un soir, à 16 ans, il n’est pas rentré au domicile familial. Louis est l’aîné de ses trois enfants, né d’un premier mariage avec un marin disparu en mer. Après deux ans de veuvage, elle qui a connu "une enfance à baffes et à bosses" a épousé Etienne, le pharmacien qui l’aimait depuis longtemps. Avec ces secondes noces, elle a changé de statut social et quitté sa petite maison à l’écart du village pour s’installer dans "la grande maison" au-dessus de la boutique de son mari, dans laquelle elle s’est toujours sentie comme une intruse.

Rapidement, le pire est écarté : Louis n’est pas mort. Il a fugué sans un mot d’explication, après une dispute avec son beau-père. La mère apprend qu’il s’est fait embaucher sur un bateau en partance pour les antipodes. Les mois passent, le bateau rentre mais pas le fils. Les années filent. Les plus jeunes enfants grandissent. La mère se retranche dans une attente silencieusement dévorée de culpabilité et d’impuissance. Pénélope trompant une absence sans échéance, elle détaille, dans des lettres qu’elle envoie comme des bouteilles à la mer sans savoir si leur destinataire les reçoit, le menu du festin qu’elle préparera pour célébrer le retour du fils. Le titre du roman dit bien le conflit intérieur de cette femme coupée en deux, entre la vie qui suit son cours - l’amour patient et désolé du mari, les soins aux petits, la routine du quotidien, l’espoir de l’attente - et la douleur étouffée qui accomplit sans bruit son œuvre mortifère. V. R.

Les dernières
actualités