L'engrenage de la haine. Après le succès du Monde nazi de Johann Chapoutot, Christian Ingrao et Nicolas Patin (Tallandier, 2024, 25 000 exemplaires GfK) et des Irresponsables du seul Chapoutot (Gallimard, 2025, 24 000 exemplaires GfK), voici une nouvelle approche de la pensée nazie dans un texte vif et accessible. Depuis son premier livre traduit en France en 2005, Auschwitz. Les nazis et la solution finale (Albin Michel), Laurence Rees privilégie les témoignages des acteurs ordinaires pour comprendre l'enchaînement des faits. Cet historien britannique de réputation internationale, diplômé d'Oxford et ancien directeur des programmes historiques de la BBC, s'est depuis imposé par ses livres et ses documentaires. Après plusieurs succès chez Albin Michel, il publie aux éditions Arpa, récemment établies en France (voir LH Le Magazine n°51), un travail original et engagé en douze chapitres chronologiques comme « douze avertissements de l'histoire ».
Pour comprendre les origines de la pensée nazie, il revient sur le terreau de la Première Guerre mondiale sur laquelle vient se greffer la théorie du complot. Il montre que tout est biaisé dans cette idéologie, à commencer par le terme de « national socialiste ». Qu'y a-t-il de socialiste dans le racisme ? Car c'est bien là, au cœur de la notion de pureté, que se développe cette vision du monde. Elle s'appuie sur des textes du XIXe siècle concernant la dégénérescence notamment en psychiatrie (-Bénédict -Augustin Morel), dans la critique de la culture (Max Nordau) ou dans la théorie de la race (Eugen Dühring). Ce livre est conçu comme un reportage avec des intervenants qui se souviennent : les mouvements de foules, la défaite de 1918, la mise en avant de la responsabilité des politiques traditionnels dans le désastre, le déni entretenu d'une armée allemande qui n'aurait pas été vaincue, la crainte d'une révolution bolchevique, le traité de Versailles et le juif bouc émissaire. Dans ce nouvel environnement politique, un marginal nommé Hitler trouve sa voie.
Le recours à la psychologie comportementale, sociale et neuronale pourra sembler curieux, mais Laurence Rees use de ces concepts avec prudence pour ne pas sortir du livre d'histoire dans l'analyse du discours nazi. « En attisant la haine, il stimulait directement l'amygdale - la région du cerveau qui gère les émotions primaires comme la peur, l'anxiété et la colère. » Ce mécanisme actionne, selon le neuroendocrinologue américain Robert Sapolsky, la dichotomie « Eux/Nous », « Eux » étant les ennemis de « Nous ». Pour parvenir à ses fins, Hitler a beaucoup menti, sur lui, sur son itinéraire, sur les autres. On retrouve cette notion de vérité alternative dans la construction de cette pensée nazie, avec l'idée de la reconstitution d'une Volksgemeinschaft, une « communauté du peuple ». C'est de ce socialisme-là dont il est question chez Hitler. Avec un principe politique définit en 1923 : « Devant Dieu et devant le monde, le plus fort a toujours le droit d'imposer sa volonté. » Ce qui aurait dû être un avertissement hier pourrait l'être de nouveau aujourd'hui.
La pensée nazie. Douze avertissements de l’histoire
Arpa
Traduit de l’anglais par Léa Jaillard
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 24,90 € ; 546 p.
ISBN: 9788410490086