Le 13 novembre 2014, la Cour de cassation a rendu une décision relative au dessaisissement de auteurs qui ont apporté leurs droits patrimoniaux à une société de gestion collective, en l’occurrence la Sacem.

Il s’agit ici de rappeler que le titulaire initial des droits sur une œuvre peut, par la suite, procéder à une cession de ses seuls droits patrimoniaux, les droits moraux n’étant pas cessibles mais seulement transmissibles à cause de mort.

Quelques principes de base gouvernent la titularité des droits de propriété littéraire et artistique. Ils s’appliquent également à certaines situations particulières prévues par le législateur et examinées régulièrement par la jurisprudence.

En premier lieu, l’auteur est, en droit français, le titulaire initial des droits de propriété littéraire et artistique portant sur son œuvre. Le droit français parle d’ailleurs de « droits… d’auteur », alors que le droit anglo-saxon, peu favorable aux créateurs, repose sur un système de copyright. C’est donc l’auteur qui, en règle générale, est investi dès l’origine de tous les droits sur son œuvre. L’article L. 111-1 du CPI (c’est-à-dire le premier du code) consacre ce principe : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »

Le second principe essentiel, en matière de titularité des droits, est que seule peut être auteur une personne physique. Une personne morale – société, association, etc. – ne peut apparemment avoir qualité d’auteur, même si elle peut, sous certaines réserves, se faire céder la totalité des droits patrimoniaux. Il existe cependant une exception concernant les œuvres dites collectives, dont la titularité des droits peut originellement être dévolue à une personne morale.

Par ailleurs, les éditeurs doivent être particulièrement attentifs aux noms qu’ils apposent candidement sur la couverture d’un livre (de la première à la quatrième en passant par les rabats) comme au cœur de celui-ci (pages de titres, de copyright, listes de personnes consultées et de « remerciements »…).

De telles mentions de personnes ayant – ou non – réellement participé à l’élaboration d’un livre ne sont pas en effet sans incidence juridique : celle-ci est parfois fâcheuse sur la titularité des droits.

L’article L. 113-1 du CPI dispose que « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ». L’individu dont le patronyme est apposé sur un ouvrage devient donc a priori titulaire de droits de propriété littéraire et artistique.

Le régime applicable à l’édition n’est donc en rien semblable au cas de l’œuvre audiovisuelle dont le législateur a dressé une liste précise des auteurs présumés : « réalisateur », « auteur de l’adaptation », « auteur du texte parlé », « auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre », etc. En clair, le nom d’une personnalité, placé de façon ambiguë en couverture d’un livre qui lui est consacré mais dont elle n’a pas écrit une ligne, lui permettra de venir, en toute mauvaise foi, revendiquer une part des redevances d’auteur.

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De même, il a déjà été jugé que la mention en page de titre du nom de cuisiniers, à qui avait été demandée la réalisation de plats destinés à illustrer un livre de recettes, leur a valu le rang de coauteurs aux côtés du rédacteur des textes et du photographe. Un artiste graveur s’est même vu reconnaître par une juridiction la qualité de coauteur d’un livre consacré à l’art fantastique de la gravure, pour lequel sa spécialité lui avait valu de jouer le rôle de conseiller.

Les problèmes peuvent également surgir quand, en guise de remerciements, l’écrivain et son éditeur ont eu la faiblesse d’indiquer « avec (l’aimable) collaboration de ». Car menace au bout d’une telle imprudence la qualification d’œuvre de collaboration. Or, l’article L. 113-3 du CPI précise notamment que « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs ».

Et chacun sait que les amitiés ne sont pas toujours pérennes; elles peuvent même dégénérer rapidement en une volonté judiciaire effrénée de percevoir une part des succès de librairie de ceux que l’on a tant aimés et soutenus.

De même, il arrive que les « nègres » ou les interviewers – qui sont des auteurs à part entière selon la jurisprudence – se rebiffent: ils peuvent alors aisément se servir de la mention de leur « participation » pour manifester juridiquement leur amertume.

Nombreux sont donc les éditeurs qui cherchent à qualifier les ouvrages écrits à plusieurs d’œuvres collectives plutôt que d’œuvres de collaboration. Rappelons en effet que l’article L. 113-5 du CPI prévoit : « L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur. »

Mais, aux termes de l’article L. 113-2 du même code, « est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom ». Il faudra donc être particulièrement vigilant sur le « générique » du livre et en particulier à la mention « sous la direction de ».

L’apposition du symbole © – qui était encore indispensable jusqu’il y a quelques années aux États-Unis – ne confère plus aucun droit en tant que tel. Ce sigle permet tout juste en pratique de désigner le titulaire des droits et de rappeler que l’œuvre est protégée. Il s’agit donc au mieux d’une présomption, qui peut être renversée par la preuve contraire, comme l’a rappelé la cour d’appel de Paris, en 1993.

C’est donc à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner successivement les situations particulières – fréquemment rencontrées dans la pratique –, liées au contrat de travail, aux journalistes, au contrat de commande, à la propriété matérielle d’une œuvre, à sa découverte posthume, à sa divulgation anonyme ou sous pseudonyme, aux œuvres issues de plusieurs créateurs ou créées par ordinateur ou encore aux apports à une société de gestion collective.

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