23 AOÛT - ROMAN France

Jakuta Alikavazovic- Photo EMMANUEL TROUSSE/L'OLIVIER

En 1919, Marcel Duchamp offre à son mécène et ami Walter Arensberg une ampoule de pharmacie vidée et ressoudée contenant de la simple atmosphère. Il nomme l'oeuvre Air de Paris. Poussant plus loin le bouchon de l'immatérialité, >Yves Klein organise en 1958 à la galerie Iris Clert une "Exposition du vide", qui consistait à montrer des murs blancs. Dans La blonde et le bunker de Jakuta Alikavazovic, c'est une collection tout entière, la collection Castiglioni, qui est qualifiée de "fugitive, voire fuyante - si tant est que ces termes puissent s'appliquer à une collection d'art".

Après s'être pratiquement fait violer dans les toilettes du Centre Pompidou par une belle blonde, Gray emménage chez cette dernière, une maison montmartroise aux allures de bunker. Dans la chambre d'amis, au rez-de-chaussée, afin d'éviter l'époux d'Anna au rez-de-jardin. Anna est photographe et réalise des images uniquement éclairées au néon. Son mari, John Volstead, avec qui elle vient de "consommer leur divorce", est l'auteur d'un seul livre, Les narcissiques anonymes. Le grand écrivain stérile est obnubilé par la "collezione Castiglioni", cette réunion d'oeuvres invisible et néanmoins mythique. A la mort de ce dernier, Gray hérite d'une ligne de son testament (Volstead lègue les murs du "bunker" à sa femme et le sol à son amant) et également de la fascination pour la collection. Gray s'embarque dans une enquête qui le mène à Venise sur les traces du professeur Jasper Warski. Le grand spécialiste de ce mystère de l'art est assisté d'une charmante assistante, Vivian, qui n'est pas blonde mais néanmoins attirante.

Le quatrième livre de l'auteure de Corps volatils (L'Olivier, 2007, Goncourt du Premier roman) prend comme prétexte la quête de ce graal artistique pour tisser une intrigue borgésienne postmoderne qui mêle filature érotico-policière et vraie-fausse érudition : les références à la mythologie grecque ou à l'Histoire se mélangent gaiement avec les analyses du fictif théoricien de l'art Jasper Warski. La romancière, née en 1979, explore la question de l'immatérialité - la question du regardeur en arts plastiques, du lecteur en littérature - en imaginant une aventure ironique pleine de fantaisies.

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