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Le Carnet à spirales : l'enjeu touristique

Charlieu - Photo Livres Hebdo

Le Carnet à spirales : l'enjeu touristique

En route pour les 5es Rencontres nationales de la librairie, le 30 mai et le 1er juin à Marseille, Livres Hebdo fait sa troisième étape à Charlieu, dans la Loire, où Jean-Baptiste Hamelin a réussi le pari un peu fou d'ouvrir une librairie de 250 m2 dans une ville de 3700 habitants.

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Par Cécile Charonnat,
Créé le 09.06.2019 à 14h26

Banon a son Bleuet, Charlieu (Loire) Le Carnet à spirales. Toutes proportions gardées - Le Bleuet déploie 650 m2 de surface commerciale et 100 000 références pour un millier d'habitants, Le Carnet à spirales 250 m2, 20 000 titres pour 3 700 âmes -, les deux librairies sont régulièrement comparées. Elles présentent la même incongruité, une surface et une offre démesurée au regard de leur territoire, et un même soubassement : penser « qu'il y a encore suffisamment de gens qui aiment le livre et qui sont prêts à faire des kilomètres pour visiter et fréquenter un lieu de qualité qui leur offre une certaine exigence », assure Jean-Baptiste Hamelin, créateur du Carnet à spirales.

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Boîte de nuit

Libraire depuis quinze ans, cet ancien animateur socioculturel passionné par les problématiques de la désertification des centres-villes, et plus globalement de celles des territoires, s'est forgé sa conviction au fil de son expérience. « Je reste intimement persuadé que les librairies sont des lieux de destination et qu'elles peuvent même avoir une dimension touristique. A ce titre, elles ont un rôle majeur à jouer dans le mouvement de réappropriation des villes par leurs usagers. Comme à Banon, elles peuvent se révéler de véritables locomotives. Mais cet aspect n'est pas toujours perçu ni pris en compte par certaines municipalités », regrette le libraire.

Voilà pourquoi il décide en 2013 de donner une nouvelle dimension à sa librairie. Après quatre ans passés dans 25 m2 et cinq années dans 70 m2, Jean-Baptiste Hamelin rêve d'espace pour mettre en musique son magasin idéal : « Une librairie généraliste mais pointue et précise dans tous les rayons, et qui offre le quelque chose en plus qui fait que les clients sont capables de faire 35 minutes de route pour nous rendre visite. » Faisant fi de toutes les recommandations, dont celles des institutions telles le CNL, la Drac ou la Région, il acquiert aux enchères une ancienne boîte de nuit installée sur une place excentrée qui sert de parking et sur laquelle aucun commerce n'est installé. « Tout le monde m'a déconseillé d'y aller, pensant que je courais à ma perte. Mais c'était le seul local à Charlieu qui me permettait de créer ce à quoi j'aspirais », se souvient le libraire. Un an et 35 tonnes de déblais plus tard, le 13 juin 2014, il lève le voile sur cette troisième version du Carnet à spirales, qui s'appuie sur les trois forces de la librairie selon Jean-Baptiste Hamelin : le lieu, l'offre et les libraires.

Un livre de la semaine

Adepte depuis ses débuts de l'office à la carte, Jean-Baptiste Hamelin et son équipe y composent un assortiment qui obéit à une seule règle : quel que soit le rayon, opérer un choix précis mais pas élitiste, qui privilégie des livres spécifiques et des maisons d'édition reconnues pour leur savoir-faire. Et ce jusque devant les caisses où Nous autres réfugiés de Hannah Arendt est préféré « à un énième petit bidule sans intérêt, souligne Jean-Baptiste Hamelin. Plus globalement, nous avons opté pour une stratégie inverse de la plupart de nos collègues. Nous avons diminué la hauteur de nos piles pour privilégier le fonds. Les livres ne sont pas des yaourts, ils n'ont pas de date de péremption et notre objectif reste de donner une longue vie à ceux que nous aimons. »

Autre exigence du libraire : entretenir une synergie constante entre tous les rayons, en mêlant le plus possible les secteurs éditoriaux. Pour cela, il demande notamment à ses libraires de sélectionner un « livre de la semaine » pour leur rayon et de présenter un ou plusieurs coups de cœur lors de la réunion hebdomadaire qui se tient le mardi matin. Une pratique qui permet d'enrichir les connaissances de chacun, d'ouvrir à des conseils différents et d'évoquer des politiques éditoriales particulières.

Résurgence de son ancien métier, Jean-Baptiste Hamelin veille également à accompagner son équipe au plus près. Les deux libraires et l'apprentie, toutes trois arrivées en août dernier, travaillent en autonomie, réalisent leurs achats, disposent de temps pour effectuer des tâches administratives, participent aux événements professionnels et bénéficient d'une rémunération qui va au-delà de la grille officielle. « C'est un coût, mais les clients viennent aussi parce qu'ils savent qu'ils vont trouver des libraires heureux, compétents, capables de leur faire bon accueil et de leur prodiguer de judicieux conseils », martèle le libraire.

Cette politique a permis au Carnet à spirales de doubler, en quatre ans, son chiffre d'affaires, passant de 385 000 euros avant le déménagement à 808 000 euros au 31 mars 2018. Un succès sur lequel, toutefois, Jean-Baptiste Hamelin ne s'endort pas. Engagé dans une réflexion globale concernant à la fois l'aménagement de son espace et la visibilité de son offre, il souhaite à nouveau « investir pour pousser encore plus loin, ne plus faire les choses à moitié et professionnaliser davantage la librairie. Le but étant cette fois d'allier complètement le fond et la forme.»

09.06 2019

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