24 septembre > Autoportraits Etats-Unis

Parfois, notre corps nous encombre, projette une image qui fait écran entre soi et les autres. Jen Davis a fait cette expérience, elle qui en 2002, à 23 ans, a commencé une série d’autoportraits et photographié pendant onze ans son corps obèse. Ce corps débordant de chair, cette "peau crémeuse" selon les mots de la commissaire d’exposition Anne Wilkes Tucker, cette enveloppe physique si loin des canons esthétiques contemporains. Dans ce reportage intime, Jen Davis s’est attentivement mise en scène, souvent dans des intérieurs familiers, construisant d’impeccables cadres éclairés d’une lumière naturelle flatteuse, dans un décor colorisé à la Vermeer. Dans les 56 images présentées sans progression chronologique, la jeune femme se regarde, interroge son reflet. Ce corps partiellement déshabillé, en sous-vêtements, réfléchit surtout un érotisme fantasmé : rien n’est pris sur le vif et toutes les poses, y compris les étreintes avec des hommes, sont fictionnelles, "connivence éphémère", "suggestion de romance", précise la photographe dans l’entretien qui accompagne les photos. Dans ses postures à la fois vulnérables et frondeuses, ses moues d’enfant butée, on lit l’espoir (le désespoir) d’être regardée, d’être désirée, parfois une solitude fataliste déchirante, quand, assise sur un lit, de profil, elle fixe l’objectif, dans cette image de 2005, titrée Untitled, comme la majorité des clichés retenus dans ce beau livre troublant.

Jen Davis faisait partie des dix finalistes en 2012 pour la première édition du prix Virginia qui récompense, tous les deux ans, des femmes photographes et dont le deuxième palmarès sera dévoilé dans quelques semaines.

Véronique Rossignol

19.09 2014

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