17 NOVEMBRE - RÉCIT France

Nicole Charpail- Photo DR/SULLIVER

Quand l'indifférence, plus que le désamour, peut conduire à la folie. Dans ce récit-chronique, Nicole Charpail plonge dans le chagrin d'amour d'une femme qui porte son nom, grattant la plaie d'une déception - elle aime V, un homme plus jeune, mais... - qui l'a conduite jusqu'à l'hôpital psychiatrique. Actrice et auteure dramatique, animatrice d'ateliers de théâtre dans les prisons, elle explore de l'intérieur, dans toutes ses nuances, le dépit qui mène à la folie, organisant son chant de douleur en 481 fragments numérotés, organisés en 6 carnets. Les injonctions contradictoires du désir, les comportements indéchiffrables du partenaire, les (nombreux) éclairs de lucidité, les épanchements, le masochisme et l'instinct de conservation... L'amoureuse malmenée passe par toutes les étapes, mais c'est lorsqu'elle vérifie l'absence de compassion de son amant, quand l'évidence de la méprise (non seulement il ne l'aime pas, ne l'a peut-être jamais aimée, mais, surtout, il se moque de la blesser) apparaît dans toute sa cruauté, que les dernières défenses volent en éclats. Cette partie où la narratrice demande à se faire interner, pour se protéger d'elle-même autant que par peur de la pulsion de meurtre qui la traverse fugitivement, est celle où le dispositif littéraire, intercalant l'observation des autres patients et la poursuite du processus d'autoanalyse, est le plus efficace. "Je l'aimais tellement », se répète-elle comme pour apprivoiser la révélation. Ressassant jusqu'à en exprimer le sens profond une phrase incomplète dictée dans un demi-sommeil - "Sans..., le domicile du déportement de moi-même va me jeter dans la gueule du loup » -, Nicole Charpail interroge aussi régulièrement le rôle de l'écriture et du lecteur dans ce processus de reconquête d'elle-même.

15.04 2015

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