2 février > Premier roman France > Stéphanie Kalfon

"Très luisant." "Questionnez." "Au bout de la pensée." "Postulez en vous-même." "Sur la langue." "Pas à pas." Ces indications qui jalonnent la partition de la Gnossienne n° 1 d’Erik Satie disent beaucoup de l’originalité du compositeur, son anticonformisme, son humour, sa poétique simplicité et sa mélancolie. Et c’est bien la mélancolie qui marque l’œuvre comme la vie de celui que Le Figaro saluait à sa mort le 1er juillet 1925 à 59 ans comme un précurseur. "Il y a une couleur Satie. Le gris", écrit la scénariste et réalisatrice Stéphanie Kalfon dans ce premier roman qui évoque avec sensibilité le destin triste de l’un des artistes les plus novateurs du début du XXe siècle. Portrait par touches d’une personnalité énigmatique et tourmentée, cette libre biographie s’appuie sur les mots du musicien, ceux de son journal intime, de ses partitions, de sa correspondance, notamment avec son frère Conrad. Celui-ci avec Contamine de Latour et surtout Claude Debussy, l’ami de trente ans, "le frère de cœur", furent les rares relations intimes entretenues par cet homme solitaire et secret. "Satie fut méconnu. Insaisissable. Incompris." On trouva après sa mort, dans la chambre misérable qu’il occupait depuis vingt-trois ans à Arcueil, près de Paris, et où personne n’entrait jamais, deux pianos inutilisables et quatorze parapluies noirs identiques.

La périphérie, l’isolement ont formé la destinée de ce garçon timide et résolu à la fois. Aîné d’une famille de quatre enfants, il perdit à 6 ans sa mère, d’origine écossaise, et découvrit à 12 ans le corps sans vie de sa grand-mère paternelle sur une plage d’Honfleur… "Un égaré dans ce siècle", se sentait-il. Exilé dans son époque, déplacé partout, au Conservatoire où il subira les vexations de ses professeurs, à l’armée où il restera moins d’un an, au Chat noir, le cabaret de Montmartre où il se fera embaucher en se présentant comme "gymnopédiste" pour jouer des reprises à "l’heure verte". Stéphanie Kalfon rend un hommage délicat à ce compositeur excentrique, crève-la-faim insomniaque, qui rêvait d’une musique qui serait "une suite désordonnée de petits murmures". V. R.

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