Un coup d’œil dans le rayon classes prépas de n’importe quelle grande librairie suffit pour s’en convaincre : les thèmes de français-philosophie (prépas scientifiques) et de culture générale (prépas commerciales) captent la production éditoriale. "Ces épreuves sont redoutées des élèves car elles portent sur des matières qui sont rarement leur point fort, surtout en prépas scientifiques. Ils n’hésitent donc pas à investir dans des manuels pour optimiser leurs chances", explique Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses. Les sujets sont dévoilés dans le Journal officiel au début du printemps et les premiers ouvrages paraissent fin mai-début juin. Il faut donc produire très vite un contenu de qualité. Le thème 2016 de culture générale en prépas commerciales, "La nature", était par exemple couvert cette année par une dizaine d’éditeurs dont certains proposaient plusieurs titres. Le champion en la matière est Ellipses, avec pas moins de quatre ouvrages différents pour ce seul sujet (tout-en-un, fiches, entraînements à la dissertation…). H&K proposait 20 fiches et 20 dissertations, Armand Colin un manuel et un ouvrage d’entraînement à la dissertation. L’offre est encore plus pléthorique concernant le thème de français-philosophie. Et de l’avis général, le marché est quelque peu saturé. "L’offre est supérieure aux besoins, juge un éditeur. Il y a encore cinq ou six ans, il y avait 30 % d’acteurs en moins sur ce marché."

Dans ce contexte, difficile pour tous les acteurs de trouver leur place. Alors, chaque année, c’est à celui qui publiera le plus vite, car paraître le premier procure un avantage commercial. "Nos auteurs disposent de trois semaines à un mois pour rédiger, note Fanny Bouteiller, responsable d’édition aux Puf. Le travail est réalisé en flux tendu et les auteurs font en sorte de connaître le plus tôt possible les sujets." Pour le thème de culture générale 2017, l’éditeur va proposer un ouvrage "plus étoffé et répondant davantage aux attentes". "Les étudiants veulent être mieux accompagnés, avoir des conseils méthodologiques, des exemples d’épreuves corrigées, ajoute Fanny Bouteiller. Nous allons augmenter la pagination et changer de format."
Forte prescription des enseignants
"Sortir tôt est important, mais la prescription joue beaucoup sur ces marchés, nuance Philippe Lemarchand, fondateur des éditions Atlande. On le voit dans les lieux d’achats de nos livres, nous réalisons nos meilleures ventes dans les librairies situées à proximité des prépas les plus sérieuses." Le constat de la prescription est vrai pour Atlande, il l’est aussi pour GF-Flammarion, en particulier en prépas scientifiques. Les œuvres en poche de GF-Flammarion bénéficient de la très forte prescription des enseignants. L’éditeur séduit aussi avec un quatrième opus - cette fois en grand format - proposant, entre autres choses, une étude détaillée des œuvres au programme et de la méthodologie pour la dissertation. "Les GF-Flammarion représentent plus de la moitié de nos ventes pour les prépas scientifiques", confirme Alexis Cadars, responsable du rayon universitaire à la librairie Gibert Joseph de Versailles.
C’est beaucoup plus disputé derrière, même si les ventes restent intéressantes. "Pour les prépas scientifiques en particulier, le plus difficile est de trouver des spécialistes de chacune des œuvres", confie Frédéric Vignaux, directeur des éditions Studyrama. Certains bénéficient de réseaux privilégiés : "Grâce à notre magazine Espace prépas, nous attirons plus facilement des auteurs", ajoute Frédéric Vignaux. De la même façon, H&K distribue dans les classes scientifiques son bisannuel Prépa magazine, tiré à 23 000 exemplaires, ce qui lui permet à la fois d’asseoir sa notoriété auprès de sa cible et d’attirer de bons auteurs.
Face à une telle avalanche de titres, certains ont préféré se retirer de la compétition. Si Vuibert conserve une offre pour le français-philosophie des scientifiques, il ne sera en revanche plus présent pour la culture générale des économistes, qui est un marché beaucoup plus petit. "Nous n’y avons pas obtenu les résultats escomptés, mais nous n’excluons pas d’y revenir un jour si nous trouvons la bonne formule, explique François Cohen, directeur éditorial de Vuibert. Pour l’épreuve de français-philo, nous continuons en revanche de proposer un vrai tout-en-un qui inclut 15 sujets corrigés de dissertation." Même auprès des prépas scientifiques, certains ajustements sont nécessaires. Atlande a ainsi refondu ses manuels à l’occasion de la rentrée 2015 en optant pour un format plus grand et en ajoutant quelques illustrations. "Nous sommes toujours aussi exigeants sur le fond, mais nous soignons aussi la forme, ce qui n’était pas notre préoccupation jusqu’à présent, explique Philippe Lemarchand. Les étudiants en prépas se raccrochent de plus en plus aux codes du secondaire, ils font moins l’effort d’une lecture suivie. C’est surtout vrai pour les scientifiques, mais il y a quelques années on avait encore des étudiants prêts à fournir cet effort."