Le numérique, c'est fantastique

Le numérique, c'est fantastique

Alors que le lectorat évolue plus lentement qu'on n'aurait pu le croire, la plupart des éditeurs investissent dans le livre numérique. Certains, comme Bragelonne, ont même trouvé leur modèle économique.

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avec Créé le 15.04.2015 à 21h00 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

"Le défi pour nous a été de sauter dans la locomotive du train du numérique, pour l'explorer et le développer sans attendre." STÉPHANE MARSAN, BRAGELONNE- Photo OLIVIER DION

Les éditeurs de l'imaginaire ont théoriquement un avantage sur les autres en matière de numérique : leur public, technophile et curieux, s'engage sur le chemin de la lecture dématérialisée avec plus d'enthousiasme que le commun des lecteurs. En pratique pourtant, les statistiques font apparaître que les habitudes de lectures changent très doucement. "Les ventes numériques ne représentent que 1 à 3 % des ventes papier des ouvrages de genre", constate François Laurent, directeur général adjoint d'Univers Poche, responsable du numérique.

"Un fort développement des ventes en numérique [est à prévoir] sur la fantasy dans les prochains mois." CHARLES-F. DUPÊCHEZ, FLAMMARION- Photo OLIVIER DION

Les éditeurs se lancent néanmoins avec passion à la conquête du numérique. L'Atalante a annoncé la mise en place de son offre numérique comme un événement, en octobre dernier. Une centaine de titres sont déjà disponibles, et la maison espère numériser en trois ans l'intégralité de son catalogue papier, qui compte plus de 500 titres, et systématiquement toutes ses nouveautés. "Il est vrai que le numérique ne fait vivre personne pour le moment, qu'il s'agisse des auteurs ou des éditeurs, et encore moins les libraires, qui semblent avoir disparu de l'équation, mais ce n'est pas une raison pour ne pas être présent", martèle Eric Marcelin (Critic), qui lancera son offre numérique en mars à raison d'un texte par mois, roman ou nouvelle.

Pour Jérôme Vincent, le directeur d'ActuSF et fondateur de la première librairie numérique dédiée à l'imaginaire (voir encadré ci-dessous), le numérique se présente comme une opportunité de création pour les petites maisons d'édition à travers l'exploration de nouveaux formats. "Nous faisons de l'inédit en numérique et nous reprenons certains titres qui ne sont pas dans notre catalogue papier", explique l'éditeur. Chez Mnémos, Nathalie Weil tient le même discours : "Le numérique permet d'innover et d'offrir aux lecteurs de nouvelles expériences de lecture, comme avec Kadath : le guide de la cité inconnue, un ouvrage augmenté, publié en 2012 et disponible sur tous supports." Pour d'autres éditeurs comme Fleuve noir et Pocket, qui publient leurs titres numériques sous la marque 12-21, le numérique est aussi le moyen de garder disponibles des séries longues qui ne trouveraient plus leur place en librairie, du fait de leur trop grand nombre de volumes. C'est le cas de la série de science-fiction allemande Perry Rhodan, dont plusieurs cycles seront bientôt disponibles sur ebooks.

QUELQUES SUCCÈS

>Certains éditeurs qui surfaient depuis quelque temps déjà sur la vague du numérique le font désormais avec un certain succès. Chez Pygmalion, la série Le trône de fer constitue la meilleure vente en numérique et s'impose même en tête des ventes dans le groupe Flammarion. Pour Charles-F. Dupêchez, "il est évident que le lectorat jeune, auquel ce titre s'adresse principalement, passe plus facilement à ce mode de lecture". L'éditeur, qui publie systématiquement une version papier et une version numérique simultanément, prédit "un fort développement des ventes en numérique sur la fantasy dans les prochains mois".

Grand pionnier du numérique, Bragelonne tire aujourd'hui les fruits d'une stratégie développée depuis 2010. La maison annonce 250 000 exemplaires numériques vendus en deux ans. "Le défi pour nous a été de sauter dans la locomotive du train du numérique, pour l'explorer et le développer sans attendre", se souvient Stéphane Marsan, directeur éditorial. La politique numérique de Bragelonne est rodée : publier simultanément en numérique les catalogues existants en papier, lancer des inédits, "la plupart du temps des textes courts, qui n'ont pour ainsi dire plus de vie en librairie", >et republier des classiques. L'éditeur entreprend de publier en numérique les oeuvres complètes de Michel Jeury et de Pierre Pelot. A ce jour, le numérique représente 3 à 4 % du CA global de Bragelonne (12 millions d'euros en 2011), "de quoi apporter aux auteurs un revenu complémentaire substantiel, un accroissement de leur notoriété et recruter un lectorat supplémentaire", se félicite Stéphane Marsan. Pour l'éditeur, qui travaille entre autres partenaires avec le diffuseur numérique e-Dantès, le distributeur Immatériel.fr et de nombreuses librairies en ligne, le numérique est aussi une solution aux problèmes inhérents aux genres de l'imaginaire, comme la faible représentation de sous-genres mineurs. Il permet de "faire vivre des ouvrages que la librairie traditionnelle ne veut pas ou ne peut pas proposer, et de maintenir l'écologie des séries, car en numérique il n'y a aucun problème pour trouver en permanence tous les tomes déjà parus".

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