Histoire/France 21 février Fabrice Grenard et Jean-Pierre Azéma

VM pour Vertrauensmänner, littéralement « hommes de confiance ». Un mot bien compliqué pour dire traître, mouchard, agent double, collabo. Ils furent la hantise des résistants. Ce sont eux qui les font sursauter au moindre coup de sonnette imprévu, se retourner dans la rue pour vérifier qu'ils ne sont pas suivis, changer d'itinéraires pour ne pas être repérés. Fabrice Grenard a tiré des archives militaires récemment ouvertes du service historique de la Défense (SHD) de Vincennes dix-sept affaires où ces VM ont un rôle prépondérant.

Cet historien est un spécialiste du marché noir. Autant dire qu'il connaît la porosité entre ce commerce juteux et les barbouzes collaborateurs. L'appât du gain est le plus souvent la motivation de ces mouches. Il s'y ajoute des facilités de circulation, des avantages en nature et la sensation de détenir un pouvoir de vie et de mort sur les autres. L'alternative servir ou trahir devient le simultané se servir et trahir avec la perspective du peloton d'exécution en fin de partie.

Cet ouvrage rondement mené nous éclaire sur quelques taupes qui ne voyaient que leur profit à travailler pour les nazis : le radio Alfred Gaessler qui fait tomber le groupe Nemrod d'Honoré d'Estienne d'Orves, le pilote Albert Gaveau qui séduit Boris Vildé et entraîne la chute du réseau du musée de L'Homme, Jacques Desoubrie qui s'introduit dans le groupe La Vérité française du comte Jean de Launoy, Henri Devillers recruté par Frenay qui provoque l'effondrement de Combat-Nord ou Fernand Garcia qui décime les maquis de Saône-et-Loire qui l'avaient accueilli.

La liste n'est pas close : Maurice Martineau infiltre la Résistance pour les services secrets de Vichy avant d'être retourné par les Allemands ; Fred Scamaroni, le Jean Moulin corse, est trahi comme Honoré d'Estienne d'Orves par son opérateur radio Jean Hellier ; Emile Marongin donne les membres de Défense de la France dont Jacques Lusseyran ; Jean-Paul Lien fait arrêter Berty Albrecht qui meurt en prison ; et André Grandclément passe un accord avec la Gestapo bordelaise pour protéger ses troupes.

Fabrice Grenard n'élude pas les tensions au sein même de la Résistance, organisme composite par définition, tiraillé par les tendances politiques, les règlements de comptes et la perspective de l'après-guerre. Ce fut sans doute, avec la trahison de Jean Multon, ce qui fit tomber Jean Moulin à Caluire. Le chapitre sur cette affaire est écrit par Jean-Pierre Azéma. Très vite, le soupçon se porte sur une imprudence de René Hardy, mais ce dernier, jugé deux fois après la Libération et défendu par Maurice Garçon a été acquitté. Dont acte.

Le tableau de chasse des Allemands épaulés par ces indics français est terrifiant : 2 500 condamnés à mort, 735 otages et 62 000 prisonniers dont 40 % ne reviendront pas. Fabrice Grenard ajoute à la liste les 15 000 morts des représailles et des combats contre les maquis en 1944... Une hécatombe qui fait prendre la mesure du courage de ces héros auxquels ce travail rend hommage.

Fabrice Grenard et Jean-Pierre Azéma
La traque des résistants : Jean Moulin, Pierre Brossolette, Honoré d’Estienne d’Orves, Geneviève de Gaulle... : qui les a trahis ?
Tallandier
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 21,90 ; 336 p.
ISBN: 9791021032125

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