La Cour d'appel de Paris a rendu deux arrêts, en date du 4 avril dernier,  relatifs au caractère prétendu diffamatoire d'un titre de livre. L'Inavouable - La France au Rwanda a été publié en 2004 par les éditions des Arènes. L'auteur, Patrick de Saint-Exupéry, a ajouté un avant-propos à l'occasion d‘une nouvelle édition, sortie en 2009 sous le titre Complices de l'inavouable - La France au Rwanda. Or, sur la première de couverture, figurent « les noms de nombreuses personnalités, responsables politiques, militaires de haut rang, personnes s'étant trouvées mêlées aux événements du Rwanda ou ayant fait part de leur analyse à ce sujet, ambassadeurs de France et deux grandes banques françaises ». Deux des personnes citées sur la première de couverture ont saisi la justice, se considérant comme diffamées en raison du rapprochement de leur nom et du titre. Celle-ci les a déboutées en première instance puis en appel. Mais la Cour de cassation a cassé et annulé les arrêts. C'est ainsi que la Cour d'appel de Paris - autrement composée  - a dû se pencher une seconde fois sur la couverture litigieuse. Les magistrats se sont interrogés en commençant par disséquer le titre. Ils considèrent tout d'abord que « S'il peut aisément être admis que le premier terme du titre « Complices » , employé au pluriel, désigne aux yeux du lecteur de la première page de couverture de l'ouvrage les personnes (...) dont les noms y sont énumérés, l'examen de cette seule page ne permet pas de déterminer la signification du terme «l'inavouable» et, par conséquent de tirer des propos poursuivis une articulation de faits précis susceptibles de supporter un débat contradictoire sur la preuve de leur vérité et portant atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile ».  Rappelons en effet que, selon l'article 29 de la loi de 1881, « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. » Les juges poursuivent leur raisonnement en soulignant que « la présence du sous-titre La France au Rwanda , qui complète le titre (...) ne suffit pas à conduire le lecteur de cette première page de couverture à comprendre que «"l'inavouable" ferait directement référence au génocide qui a été perpétré au Rwanda en 1994 ». Ils ajoutent surtout que « pour comprendre le titre de l'ouvrage, le lecteur potentiel est naturellement amené à pendre connaissance de la quatrième page de couverture et du texte y figurant (...) qui définit "l'inavouable"» comme étant une politique secrète, décidée en dehors de tout débat démocratique, menée par la France au Rwanda de 1990 à 1994 et qualifiée d' « erreur criminelle » par l'auteur. Ils en concluent que la « lecture ne permet pas de retenir qu'il est imputé à la partie civile des faits de complicité dans la préparation, la conception ou la mise en œuvre du génocide rwandais ». Les extraits de recensions parues à l'occasion de la première édition étaient également en débat puisqu'ils avaient été reproduits sur la quatrième de couverture. Là encore, la cour observe que «  la simple éventualité d'une accusation de complicité qui pourrait être portée contre «certains responsables au plus haut niveau» ne permet pas d'assimiler «la politique secrète menée par la France» à une complicité de crime contre l'humanité.  »   L'examen judiciaire de la couverture a été au final un exercice aussi long que les procédures diligentées à l'encontre de l'ouvrage. C'est dire si, du titre au texte de quatrième en passant par les illustrations, tous les éléments de présentation du livre doivent être juridiquement soupesés. 
15.10 2013

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