Édito par Christine Ferrand, rédactrice en chef

Photo PHOTO OLIVIER DION

"On s’est bien amusés", avait confié en 1999 François Maspero à l’historien Pascal Fouché pour un article d’une série "Editeurs du 20e siècle" publiée dans Livres Hebdo. Une boutade qui témoigne d’un esprit mêlant la légèreté et le militantisme, l’insolence et le combat. Car si François Maspero s’était mis à l’édition à côté de son activité de libraire, c’était pour changer le monde, ni plus ni moins. Il en paiera le prix, puisqu’en vingt-trois ans d’activité il écopera d’une cinquantaine de procès et sera privé de ses droits civiques.

Persuadé qu’il fallait "donner à lire, donner à voir, mettre en question. Et que les lecteurs étaient assez grands pour comprendre et choisir", il ne baissera les bras que lorsque la censure aura eu raison de l’équilibre financier de son entreprise. Entre-temps, il aura grandement contribué, dans les années 1970, à l’extraordinaire essor des sciences humaines, de la sociologie à la politique en passant par l’histoire, l’anthropologie, la psychanalyse ou l’écologie.

Ce sont ces années glorieuses pour la réflexion, l’échange, la compréhension du monde, qui revivent dans nos pages à l’occasion de l’hommage à François Maspero, décédé le 11 avril.

Un monde révolu, à des années-lumière de l’industrie du divertissement qui semble désormais dominer le secteur du livre partout dans le monde. Nos listes de meilleures ventes en témoignent semaine après semaine : depuis le début de l’année, elles regorgent de romans policiers et de "romances" un peu lestes, épigones de Fifty shades, quand ce n’est pas de biographies ou d’autobiographies de stars, de Sophie Davant à Marc Lavoine, en passant par Françoise Hardy ou Ingrid Chauvin.

La Foire de Londres en aura aussi donné une éclatante démonstration : c’est le livre de Conchita Wurst, la chanteuse à barbe lancée par l’Eurovision, qui aura été cette année l’événement du grand rendez-vous international. On s’amuse comme on peut.

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