8 janvier > Premier roman France

Thésée, Ariane, le monstre à tête de taureau enfermé dans le labyrinthe…, il faut voir le sort que réserve à ces figures du patrimoine mythologique grec l’ancien libraire et primo-romancier Philippe Bollondi qui revisite l’histoire en l’interprétant dans une société spectaculaire et marchandisée. Le tout exécuté avec dérision dans un beau style classique et sophistiqué.

Si dans "La demeure d’Astérion", l’une des nouvelles de L’aleph, Borges faisait soliloquer le Minotaure, Philippe Bollondi a choisi, lui, de rhabiller les héros de la légende avec des costumes contemporains peu flatteurs. Et en fait de tragédie éternelle, c’est un peu "Arnaque à Crète" : le candidat à la mission suicide - terrasser la bête -, l’icône Thésée, est ici un bellâtre un peu falot, flanquée de "l’Attachée de presse" qui "s’arrachait souvent les cheveux à voir dans les magazines ce chien battu sous les flashs, pourtant décrit comme le plus grand, le plus fort et sexy des héros grecs". Ariane, la promise au vainqueur du Minotaure, est campée en princesse hautaine fantasmant secrètement sur le monstre. Phèdre, sa cadette ennemie ? Une post-ado dessalée et jalouse. La mère, Pasiphaé ? Une ex-reine de beauté toujours entre deux cuites. Minos, le roi, mâle dominant vieillissant, détourne pour sa propre consommation les vierges offertes en sacrifice au Minotaure. Tandis que manœuvre en coulisses l’intrigant Dédale, concepteur gestionnaire du labyrinthe, l’attraction la plus lucrative d’un royaume au bord de la faillite. Seul personnage à avoir, en dépit de ses propres désirs interdits à l’égard de l’intouchable Ariane, une certaine lucidité sur lui-même, Boniface, à la fois guichetier et fossoyeur du labyrinthe, Quasimodo solitaire et complexé, est aussi l’un des rares à connaître la véritable étendue d’une imposture qui les perdra tous.

Véronique Rossignol

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