La dernière réunion entre auteurs et éditeurs à propos des clauses numériques d'un nouveau contrat d'édition s'est terminée sur un désaccord à propos de la réciprocité de la récupération des droits. La Société des gens de lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et compositeurs (Snac), qui représentent le Conseil permanent des écrivains (CPE), avaient bien compris, comme le Syndicat national de l'édition (SNE), qu'un auteur pourrait récupérer ses droits numériques seuls si son éditeur n'en faisait rien, alors même qu'il diffusait la version papier.
Mais les délégués du SNE se sont opposés à la proposition des représentants du CPE qui ont fait valoir que si l'éditeur laissait le tirage papier s'épuiser, tout en assurant l'exploitation numérique, alors l'auteur pourrait récupérer la totalité de ses droits. Au nom de la réciprocité des situations, le SNE juge au contraire que l'auteur ne pourrait reprendre que les droits papier non exploités par l'éditeur, qui conserverait le numérique dont il maintient la commercialisation. "Une partie du CPE a cru bon soulever une nouvelle revendication début mai, à la réception des éléments de loi rédigés par le professeur Sirinelli. C'est sans fin : en réalité, depuis le début, certains au CPE ne veulent pas d'un accord pour passer directement au Parlement. Ce n'est donc pas le SNE qui est en cause", souligne Christine de Mazières, déléguée générale du SNE.
"Les auteurs ont déjà consenti de nombreuses concessions. Ils souhaitaient notamment deux contrats séparés, l'un pour l'exploitation des droits sur le livre papier, l'autre pour sa forme numérique. A la demande des éditeurs, ils ont accepté finalement qu'il n'y ait qu'une partie numérique au sein d'un contrat unique. Mais l'interprétation des éditeurs à propos de la réciprocité des droits revient à vouloir profiter des avantages du contrat unique, et de ceux d'un contrat séparé", argumente Jean-Claude Bologne, président de la SGDL. En fait, les auteurs se sentent piégés entre l'usage, établi en France, de cession des droits pour toute la durée prévue au Code de la propriété intellectuelle, et les possibilités d'exploitation offertes par les nouvelles technologies, numériques ou d'impression à la demande. Elles facilitent une exploitation permanente et ferment la possibilité de sortie la plus courante que constituait l'indisponibilité. Et comme la durée des droits numériques n'a pas été vraiment abordée, alors que les auteurs la souhaitaient limitée et renouvelable, le sentiment d'étouffement s'est accru. De plus, la question de la rémunération n'a pas été traitée de façon plus satisfaisante, regrette les auteurs.
L'annonce de l'accord-cadre négocié entre le SNE et Google à propos des livres indisponibles a ajouté un autre motif de questionnement chez les auteurs, d'autant plus perplexes que cet accord est confidentiel. Concernant sa propre négociation avec Google, tout aussi confidentielle, la SGDL a dû publier une mise au point, soulignant qu'elle ne concernait que le financement d'une base de données d'auteurs et de leurs ayants droit.
Tout en reconnaissant que la négociation a permis de réelles avancées, les auteurs estiment que le dossier est maintenant dans une impasse. "Un projet de loi sur un contrat numérique séparé et à durée déterminée permettrait d'en sortir", estime Emmanuel de Rengervé, délégué général du Snac.

