4 OCTOBRE - CONTE ILLUSTRÉ France

C'est l'un des olnis les plus charmants et les plus salutaires de cette triste saison. Un conte (à peine) philosophique pour adultes d'Arnaud Rykner, qui nous emporte dans un univers enchanteur, le pays des Espernels, mis en images poétiquement, cartes à l'appui, par son complice Frank Secka.

Les Espernels sont des braves types nés pour avoir de la chance et la célébrer. Ils sont bavards, gourmands, coquins, sportifs à leur manière, c'est-à-dire sans aucun esprit de compétition, et vivent pépères sans trop travailler. La nature qui les environne, bonne fille, les a dotés abondamment : de chancines, des pierres qui servent un peu à tout, à condition qu'on se les mette dans la bouche, en mémoire, se peut, de l'illustre bègue Démosthène. Et aussi d'une faune d'exception, dont ils prennent grand soin : pas question de faire du mal au moindre chancillon, ni de se déplacer sans une grenouille ou un petit dragon dans sa poche. Ces gens ont tout pour plaire, nous assurent les auteurs, qui poussent même la délicatesse jusqu'à mourir dans un grand souffle de rire...

Tel quel, ce joli conte serait déjà réussi, mais Rykner a eu la bonne idée de le truffer de textes d'autres auteurs, lesquels ont apparemment, eux aussi, voyagé en terre espernelle, et témoignent ainsi qu'elle existe bel et bien : Shakespeare, Heine, Verlaine, Verhaeren, Desnos, Prévert, Char, entre autres, étaient des Espernels sans le savoir, ou alors citoyens honoraires.

On pense bien sûr au Royaume-Farfelu du jeune Malraux, à la Grande Garabagne de Michaux, mais en plus amène. Et l'on se prend à envier ces Espernels à qui la chance sourit toute leur vie, simplement parce qu'ils la méritent : ils ne nuisent à personne, ne montrent nulle agressivité, n'affichent aucune conviction politique ou religieuse. Tiens, c'est étrange : dans le livre, s'il est longuement question d'amour, la guerre n'est jamais abordée. "Make love, not war", doit être la sagesse cachée au coeur des chancines que chaque Espernel suce en toute occasion. Apparemment, ça peut marcher. Quand est-ce qu'on part ?

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