San Francisco évoque d'emblée la Beat generation. « Mais j'ai loupé la fête », affirme Vendela Vida en riant. Elle y est née en 1971 et y vit toujours. « J'étais une petite fille trop sérieuse, qui adorait l'école et les devoirs. », se souvient celle qui avait pour vice de raconter des mensonges, ce qui lui a valu quelques soucis. « J'ai soudain compris que si je les appelais "fiction", cela me conférait un autre statut. », déclare- t-elle en français, une langue qu'elle parle même si elle reste intimidée. Enfant, elle rêve de devenir écrivaine. Son choix est conforté lorsque son père, collectionneur d'antiquités, ramène une grande bibliothèque à la maison. « On l'a remplie avec des œuvres d'Hemingway ou de Sagan. » Encore aujourd'hui, elle adore se réfugier dans les librairies, qu'elle considère comme une « seconde maison ».

En sursis

 « Mes parents ont beaucoup influencé mes romans car ils incarnent le rêve américain. » Son père hongrois s'est réinventé en quittant son quartier de migrants. Orpheline, sa mère a été élevée dans une ferme suédoise, avant de devenir infirmière. « J'ai hérité du prénom de ma grand-mère. Qu'est-ce qui fait que nous devenons ce que nous sommes ? Voilà le thème qui traverse tous mes livres. » Elle-même suit son cœur en entreprenant des études littéraires. Direction le Vermont, puis New York où elle contribue à la Paris Review. Puis l'envie de raconter des histoires l'emporte. « Je vis dans un autre monde, parfois tellement plus fort que la réalité. »

Plusieurs fils relient son œuvre. « Comment devient-on une femme ? On traverse tant d'émotions, comme en témoigne Annie Ernaux. » Parfois, cela passe par la perte de soi et de son identité profonde. « La société change et nous oblige à endosser plusieurs habits, mais cela peut nous rendre confus. Il faut du temps pour apprendre à se comprendre. » Un sujet que Vendela Vida explore de façon surprenante dans son dernier roman, chez Albin Michel. Alors qu'elle arrive au Maroc, la protagoniste se fait dérober son sac, qui contient ses papiers d'identité, son ordinateur et ses photos fétiches. Déroutée, elle entame un parcours kafkaïen, où elle s'invente mille et une vies. « A l'instar de l'écrivain, qui cherche toujours à être quelqu'un d'autre. C'est libérateur », affirme la romancière. Elle met cependant en garde ceux qui pourraient tomber dans l'aliénation de Facebook ou d'Instagram. « Pourquoi les gens doivent-ils se créer une image "happy" ? Il y a une telle pression... »

Par erreur, la narratrice se voit attribuer le passeport d'une autre, une femme américaine, sosie d'une actrice hollywoodienne. Elle endosse alors l'identité de celle dont elle possède les papiers. Et plus elle se cache dans cette identité volée, plus elle dévoile ses tragédies cachées. Cette «sombre comédie » se glisse dans la peau de cette femme-serpent, qui entame sa mue pour renaître à elle-même. «Dépasser les épreuves revient à traverser un désert, mais il y a toujours une note d'espoir dans mes histoires. » Vendela Vida croit aussi aux «communautés de pensées pour changer les idées». Elle a revendu la revue littéraireThe Believer, dont elle était rédactrice en chef, mais reste active dans le Believer Festival qui se tient à Las Vegas. Avec son mari, l'auteur Dave Eggers, elle a créé 826 Valencia, un atelier d'écriture destiné aux jeunes de 6 à 18 ans. Bénévole, Vendela Vida les aide à écrire. «J'aime leur offrir une chance de réussir ou de s'envoler.»

Vendela Vida
Les habits du plongeur abandonnés sur le rivage - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adèle Carasso
Albin Michel
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 21,50 EURos
ISBN: 9782226325914

Les dernières
actualités