21 mai > Essai France

Roland Barthes n’est pas mort. L’intense et inégale activité éditoriale venue célébrer son centenaire en témoigne. Les éditions du Seuil ont pris les devants dès janvier avec la biographie de Tiphaine Samoyault, suivie aujourd’hui par la publication d’un très impressionnant Roland Barthes : album composé d’inédits, de correspondances et de documents divers, notamment iconographiques, réunis sous la direction d’Eric Marty. Dans le même temps, Chantal Thomas, qui, comme les familiers de son œuvre ne l’ignorent pas, fut son élève, publie Pour Roland Barthes, une suite de textes, inédits ou non, qu’elle présente elle-même comme "un exercice d’admiration et de reconnaissance". Ce mince volume est peut-être le plus dense de tous, empreint d’une empathie rêveuse et d’un usage de la délicatesse, qui sont, s’il faut en croire l’auteure des Adieux à la reine, le legs le plus précieux concédé par Barthes à ceux qui furent ses élèves autant qu’à ceux qui sauront le lire. Il est des entrées au séminaire qui ouvrent le champ des possibles. Celui qu’animait Roland Barthes, rue de Tournon, à Paris, pour quelques thésards indécis face à l’espace de liberté qui s’ouvrait à eux ("les siècles se chevauchaient, les écoles se répondaient, personne n’interdisait à Mme de Sévigné de rencontrer Virginia Woolf, ni à Sade de croiser Loyola, et rares étaient les écrivains qui échappaient complètement à Freud"), était de ceux-là. Chantal Thomas y découvre que la maïeutique du maître est d’abord un accompagnement, un attachement à ses pas ; une voix, rêveuse, alanguie, qui se transforme en voie. L’écriture y est une érotique. L’amour de la langue se conjugue au présent et dans une forme d’impureté ontologique. Et la leçon, pour tous, en sera profitable.

Olivier Mony

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