Le point commun entre Les Forges de Vulcain, Le Rocher et Gallmeister ? Ils ont misé sur la relation libraires, aussi appelée surdiffusion. Et c'est un pari gagnant.

  « Les diffuseurs font parfaitement leur métier, nous ne les fliquons pas, explique David Meulemans. Nous sommes là pour les épauler. » C'est le décollage en 2016 autour du premier livre de Gilles Marchand, grâce au temps passé en librairie à recueillir des avis sur les couvertures, les textes, échanger, qui a convaincu le cofondateur des Forges de Vulcain de mettre en place la relation libraires, d'abord avec Virginie Mougeotte puis, depuis trois ans, avec deux attachés de libraires indépendants, l'un pour la littérature générale, l'autre pour l'imaginaire.

Pour Bruno Nougayrède, fondateur du groupe Elidia, le relation libraires permet de « renverser l'entonnoir. L'auteur consacre des mois, voire des années à un livre, l'éditeur quelques mois à deux ou trois livres et les représ quelques semaines à des dizaines d'éditeurs. Le projet qui tient au cœur d'une personne est donc noyé parmi des centaines. C'est un problème humain et commercial. » Un an après la naissance du groupe, il crée donc un poste de relation libraires. Elles sont aujourd'hui deux à sillonner les librairies, à raison de quatre à cinq par semaine. Et les résultats sont là. « Quand j'ai racheté Le Rocher, la maison avait 60 % de retours ; aujourd'hui, on est entre 24 et 29 %. » Pour lui comme pour Thibault Gendreau, responsable relations libraires de Gallmeister, ce travail permet de sortir d'un système industriel et de la course à la nouveauté. « Quand vous vendez des yaourts, l'idée, c'est d'en vendre le plus possible. Là, c'est d'avoir la relation la plus saine », renchérit Thibault Gendreau. Chez Gallmeister, trois personnes accompagnent les libraires. « On doit leur faire comprendre qu'on n'est pas là pour leur faire perdre du temps mais pour leur en faire gagner, explique-t-il. On facilite l'accès à un catalogue, à des infos. » Il propose ainsi des formations à la littérature américaine et des rencontres avec les auteurs. La relation libraires peut sauver un livre. « Pour Écoutez-moi jusqu'à la fin, malgré son National Book Award, les équipes commerciales nous ont dit avoir du mal. On a décidé de faire une grande tournée avec l'autrice, Tess Gunty. » En littérature de genre, la relation libraires aidera les libraires curieux à développer un rayon dédié. Le CCMI (comité coopératif du mois de l'imaginaire) propose depuis quatre ans des master class pour les libraires.

Si le repré s'appuie sur l'historique des ventes et des « titres-miroirs » pour placer les titres, la relation libraire permet de contre-balancer leur hégémonie. Elle a une autre vertu, rappeler que l'édition est un travail sur le très long terme : « Un stagiaire peut prendre un rayon, puis créer sa propre librairie, explique David Meulemans. Il ne s'agit pas forcément de vendre les nouveautés, mais de parler des projets de l'auteur et de l'ancrer. » « Le livre est le seul produit de consommation courante qui n'est pas vendu sur sa marque, souligne Bruno Nougeyrède. Peu de lecteurs achètent pour la maison, ils achètent pour le sujet ou l'auteur : nous devons montrer leur pertinence. »

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