21 août > Premier roman France

Consacrer son premier livre à une histoire de famille, évocation du père, de la mère ou des deux, souvent en forme de règlement de comptes, est assez fréquent chez les primoromanciers. L’exercice doit les rassurer, il est pourtant redoutable : comment renouveler le genre, être original sans agacer, trouver le ton juste, surfer entre la vérité factuelle et la fiction ? Le narrateur d’Ivan Macaux n’y parvient pas toujours, mais son roman, tout imparfait qu’il soit, est un cas fort intéressant.

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En 2007, donc, le narrateur et son père décident de rentrer de vacances ensemble et en voiture - dans une Fiat Panda quinze ans d’âge qui n’a rien à envier à la Topolino, mythique, de Nicolas Bouvier - depuis leur maison du Var jusqu’à Paris. La Mamma, elle, grande bourgeoise à demi italienne et un peu cinglée est déjà tornat’a casa. Le retraité et l’étudiant vont donc avoir une semaine à vivre ensemble 24 heures sur 24, redoutable épreuve pour quelqu’un qui déclare en préambule : « En vingt ans de vie commune, je n’ai jamais connu mon père », mais aussi occasion unique, justement, de faire connaissance. Le volant est propice aux conversations, voire aux confidences.

Naturellement, entre deux ratiocinations plaintives ou intermèdes pas vraiment utiles sur ses « héros », le fils, jeune bourgeois du 16e qui se sent déclassé, va raconter sa famille : son grand-père maternel breton qui fut jadis « ministre chez De Gaulle », sa grand-mère snobissime, Bonne Maman, maintenant dévastée par Alzheimer, ou encore sa Marraine, la seule sympa et naturelle de la bande. Et puis son père, surtout, ce Babbo mystérieux qu’il dépeint à petites touches. Un fils de profs « obsédé textuel » qui a failli écrire lui-même, un colosse de deux mètres et 120 kilos qui tâta du rugby, un aventurier, espion, malfrat, qui a grenouillé un peu partout, en Afrique notamment, et qui serait en possession d’un magot caché. « Où est l’or ? » s’interroge sans cesse le narrateur, sans indulgence pour ce géniteur tourmenté, qu’il voit avec ses yeux d’aujourd’hui : un raté alcoolo, inutile, déchu.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le « périple » buissonnier sera « un échec ». Pas de grande réconciliation. Lorsqu’il meurt à l’hôpital, deux semaines après leur retour, d’une cirrhose du foie, le Babbo est persuadé que son fils ne l’aimait pas. Scène terrible que cette confidence de la Mamma, sur laquelle se clôt l’histoire.

Présenté par l’auteur-narrateur comme une « biographie de contrebande », son livre est à la fois attachant et horripilant : un road novel intello et cru, enlevé et émouvant, desservi parfois par ses passages en style faussement familier ou ses formules à l’emporte-pièce, du genre « Il Babbo, ce pote de Jésus-Christ et de Johnnie Walker ».

Né en 1984, Ivan Macaux est très jeune. On sent en lui une rage, et des potentialités. J.-C. P.

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