2 avril > Art populaire Japon

A côté de l’estampe ukiyo-e, art plus "noble" où s’illustra le maître Hokusai, le Japon de l’époque Edo (1603-1867) a connu le développement de l’art populaire de l’estampe ôtsu-e, du nom du village d’Otsu, situé sur la route du Tokaido, qui reliait Edo (l’ancien nom de Tokyo) à Kyoto. Là, des artisans habiles, utilisant les techniques de la xylographie et du pochoir, imaginaient et vendaient aux pèlerins des images vives et colorées, représentant à l’origine (XVIIe siècle) des bouddhas. Puis, à partir du siècle suivant, apparurent des sujets profanes accompagnés de haïkus moralisateurs, démons débonnaires (musiciens, au bain…) et chasses aux démons parodiques, ainsi que des thèmes empruntés à la vie quotidienne. Une grande diversité qui se réduisit au XIXe siècle, où les estampes étaient considérées comme des porte-bonheur, voire des talismans apotropaïques.

Anonymes, peu coûteuses, imprimées sur du papier fragile, ces estampes ont quasiment toutes disparu, et l’art s’en est presque éteint. Une seule famille à Otsu, les Takahashi, maintient la tradition tout en s’ouvrant à la modernité. Nous ne les connaîtrions pas sans Kusunose Nichinen, un lettré, graveur de sceaux qui, au début du XXe siècle, en a collecté une centaine (perdues), mais en a copié 78, choisies pour leur "saveur", et éditées dans un album paru à Osaka en 1920. L’ethnologue André Leroi-Gourhan en avait acquis une série à Kyoto, où il était en mission de 1937 à 1939.

C’est ce livre de Kusunose que reproduit la présente édition, due à Christophe Marquet, historien de l’art, professeur à l’Inalco et spécialiste de la peinture japonaise. Et l’on est frappé par l’actualité de l’inspiration des estampeurs copiés et par la fantaisie des sujets abordés. Certaines images simples, comme ces Trois singes illustrant la maxime chinoise "Ne pas voir, ne pas entendre, ne pas dire", sont de petits chefs-d’œuvre qu’Hokusai lui-même n’aurait pas reniés. J.-C. P.

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