Le 25 mai dernier, s'est vendue aux enchères à Pékin une oeuvre de Qi Baishi (1864-1957) pour 425,5 millions de yuans, soit 46,5 millions d'euros. Ce record, le deuxième parmi les artistes chinois, classe M. Qi, selon le produit annuel des ventes, à la deuxième place dans le TopTen des peintres les plus chers du monde, juste après Picasso, mais devant Warhol ou Basquiat !

Outre ses qualités esthétiques, le tableau, figurant un aigle majestueux perché sur une branche de pin et encadré par deux grandes calligraphies, possède une valeur historique : il a été peint par Qi Baishi en 1946, pour les soixante ans de Tchang Kaï-chek, et offert par l'artiste au maréchal. Après 1949, M. Qi se ralliera à la révolution de son "pays", Mao Zedong, originaire du même district le Hunan, que lui, et occupera plusieurs postes officiels.
La cote que ses oeuvres atteignent aujourd'hui, dans une Chine idéologiquement déboussolée, aurait sans doute amusé Qi Baishi. Un homme humble, fils de paysans devenu artisan puis calligraphe de sceaux avant de se lancer dans la peinture, d'une façon très personnelle. Rompant avec la technique traditionnelle de ses débuts, le gongbi, il se mit à peindre sans dessin préalable, à grands traits libres. "Sans os », dit-on en chinois. Son sujet favori, la nature, avec ses arbres, fleurs, fruits, plantes et animaux : ainsi ces crevettes ou ces crabes, qui avaient ses faveurs. Aux humains, en revanche, il ne consacra qu'un livre de "Personnages", et c'est dommage, car "Le poussah" et le gros dormeur montrés dans l'album attestent de la malice de son oeil, de la vivacité de son trait, et de son humour.
L'artiste, qui se surnommait lui-même, entre autres, "Serviteur sans attaches, habitant temporaire des mirages », n'était sûrement pas bling-bling : à Beijing aujourd'hui, il vaut de l'or.