15 janvier > récit États-Unis

Certains se souviennent de l’étonnant fait-divers raconté par Mark Seal dans Vanity fair en janvier 2009, The man in the Rockefeller suit. Le protagoniste de l’affaire, l’écrivain et journaliste Walter Kirn s’en empare lui aussi dans un récit hallucinant, Mauvais sang ne saurait mentir. L’auteur de Pouce (Albin Michel, 2000) et de In the air (Michel Lafon, 2010) nous ramène à la fin des années 1980. Il est alors un romancier entre deux livres, marié à la fille de Margot Kidder et de Thomas McGuane, et sur le point d’avoir un enfant.

A l’époque, Walter Kirn accepte de convoyer du Montana à New York une chienne estropiée dans son pick-up. L’animal a été adopté par un certain Clark Rockefeller qui serait collectionneur d’art moderne, banquier central free-lance et voisin du chanteur Tony Bennett. Lors de leur première entrevue, ce dernier explique à Kirn qu’il n’a jamais bu de Coca-Cola et doit bientôt jouer un petit rôle dans un feuilleton célèbre. Ces deux-là vont ensuite se croiser à maintes reprises au fil des années.

Chaque rencontre est étrange et laisse un curieux sentiment à Kirn. Lequel tombe des nues quand il apprend l’arrestation du prétendu Clark Rockefeller après l’enlèvement de sa fille puis son inculpation pour un et peut-être même deux meurtres. Il s’avère que Clark Rockefeller ne s’appelle pas Clark Rockefeller. Qu’il est un homme aux multiples identités, "un imposteur, le plus prodigieux mystificateur en série de ces dernières années". Né Christian Karl Gerhartsreiter, ce personnage pour le moins complexe a eu le don d’inventer des histoires aussi tordues que convaincantes.

A son arrivée aux Etats-Unis, il est devenu moniteur de ski dans le Connecticut. Puis il a entrepris de "se reprogrammer", de se composer une nouvelle identité. Tour à tour, il a soutenu avec succès être un baronnet ou un fils d’industriel. Etre scénariste et producteur, frère du réalisateur Cameron Crowe ou parent de Lord Mountbatten. A Kirn, il a encore expliqué détenir le numéro de téléphone privé de George Bush quand celui-ci était à la Maison-Blanche…

Mauvais sang ne saurait mentir est fascinant à plus d’un titre. A la fois pour la personnalité et le parcours d’un Gerhartsreiter que Kirn décrit comme un type intelligent avec "une qualité hypnotique dans sa façon de parler. Quelque chose qui t’emporte, t’apaise et t’attire". Sans oublier la manière dont le collaborateur du New Yorker sonde de sa confiance et de sa naïveté. Et rappelle que "la vérité n’est pas nécessairement littérale ni factuelle". Al. F.

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