avant-portrait

Pour comprendre Anatomie d’un soldat, il faut d’abord en regarder l’illustration de couverture, due à Cédric Scandella et Cyril Magnier. On dirait un dressing-room banal. Sauf que, sur les étagères, sont rangés des objets inhabituels : casque usagé, chaussures de marche, médaille, fusil-mitrailleur… Parmi d’autres, 45 en tout, ils sont les narrateurs de ce livre étonnant, pour lequel Harry Parker s’est inspiré de sa propre histoire romancée sans pathos aucun, voire même avec de l’humour (noir). "J’ai voulu faire un livre à suspense, explosé comme par une bombe", dit-il.

Né en 1983 dans le Wiltshire, au sud de l’Angleterre, "dans une famille où l’on est militaire de père en fils", Harry, qui avait étudié l’histoire de l’art à l’université et se destinait à une carrière dans la publicité, décide en 2006 de s’engager dans l’armée britannique. Il part combattre en Irak, puis en Afghanistan. "Ce n’était pas par goût pour la guerre, explique-t-il, mais pour me tester moi-même." C’est là qu’en 2009 il saute sur une mine. Grièvement blessé, il se voit amputé des deux jambes. Il va mettre six mois à aller mieux, trois ans à se reconstruire : "Réapprendre à marcher avec des prothèses, c’est difficile, mais excitant. C’est récupérer une espèce de liberté. J’ai été très entouré par ma famille, aimante. J’ai eu beaucoup de chance." Aussi, "malgré les conséquences", ne regrette-t-il pas "cette belle expérience" où, en parfait Anglo-Saxon, il a "fait le job", sans états d’âme mais sans aimer la guerre pour autant. "Un soldat qui n’est pas contre la guerre est un mauvais soldat", selon le capitaine Parker.

Mettre de la distance

Revenu à la vie civile, il a voulu se remettre à dessiner, "mais ce n’était pas le bon mode d’expression". Puis il a essayé d’écrire des nouvelles qui n’auraient rien à voir avec sa propre histoire. Ensuite, un roman où il la racontait vécue par des animaux. Avec un même désir : "ne pas être trop sentimental, mettre de la distance, construire une fiction". Mais c’est quand il a eu l’idée de faire parler l’un après l’autre 45 objets, protagonistes de cette histoire, depuis le garrot qui lui a sauvé la vie jusqu’à ses prothèses, qu’il a su qu’il avait trouvé "le truc", comme lui a dit sa femme, la première lectrice de ses "premiers 10 000 mots".

Un an de conception, douze semaines d’écriture, Anatomy of a soldier était achevé. Il a fallu ensuite trouver un agent, lequel a convaincu des éditeurs : Faber & Faber pour le Royaume-Uni, Knopf pour les Etats-Unis. Paru fin février en Angleterre, le roman a été salué par toute la presse. Quant au succès ? "Je ne sais pas et ne veux pas savoir, explique le jeune auteur. Même les bonnes critiques, je ne les lis pas, ou je n’en retiens que le mauvais. Je préfère me concentrer sur mon prochain livre." Un autre roman, "sur la lâcheté", et où il n’y aura "ni soldats ni objets qui parlent". Il a déjà écrit ses fameux premiers 10 000 mots, mais ne les a "pas encore montrés à [sa] femme". Aujourd’hui, Harry Parker a choisi de se consacrer à l’écriture, mais il a aussi repris le dessin et la peinture. Comme un retour à l’avant-guerre.

Jean-Claude Perrier

 

Harry Parker, Anatomie d’un soldat, Christian Bourgois éditeur, trad. de l’anglais par Christine Laferrière. Prix : 22 euros, 410 p. Sortie : 25 août. ISBN : 978-2-267-02974-1

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