Histoire/France 15 janvier Antoine Boulant

On a du mal à se représenter Saint-Just parce qu'il est difficile d'envisager sa mort à 26 ans. Le benjamin de la Convention n'aura exercé ses talents que deux ans. Cela aura suffi pour en faire le théoricien de la Terreur. Il faut dire que le jeune député de l'Aisne n'y était pas allé de main morte. Il était tellement épris de fraternité qu'il rêvait d'éliminer tous ceux qui ne fraternisaient pas comme lui, « tendant ses mains sanglantes comme des mains de justice », selon Malraux. Michelet l'avait surnommé « l'archange de la mort » et autour de lui s'est bâtie une légende où la fascination esthétique se mêle à l'idéologie.

Antoine Boulant tente de calmer les ardeurs en recherchant ce qui ressemble à un début de vérité. Le portrait qu'il dresse de Saint-Just puise d'abord dans les archives, dans les textes et dans une historiographie abondante. On y voit un jeune provincial quitter son village picard de Blérancourt pour conquérir Paris. Il a dans la tête les lectures de Tacite et Cicéron. La Rome antique inspire celui qui montre des dispositions de tribun. Elle nourrit aussi son ouvrage L'esprit de la Révolution publié en 1791.

C'est tout naturellement qu'il rejoint son dieu Robespierre et va siéger à 25 ans sur les bancs de la Montagne. Le procès du roi lui donne l'occasion de briller par ses formules à l'emporte-pièce : « La Révolution commence où le tyran finit. » L'ange procureur donne la mesure de son talent au Comité de Salut public en envoyant les Girondins à l'échafaud, dont Danton. Il s'illustre dans ses missions pour réorganiser l'armée du Rhin avec la même détermination, quitte à supprimer quelques militaires pusillanimes. Enfin il met au point les « décrets de ventôse » de l'an II sur le séquestre des biens des ennemis de la Révolution sur l'air de « l'opulence est une infamie ».

Antoine Boulant fait le portrait d'un exalté qui se nourrit volontiers de ses paroles. « Il s'éblouissait parfois lui-même de fausses clartés » , écrira Jean Jaurès en soulignant que son esprit avait aussi « de grands éclairs jaillissants ». Il y a chez lui quelque chose de l'homme révolté que Camus avait bien percé dans ce mélange de précipitation et d'indignation. Saint-Just croit en ce qu'il dit. Il se nourrit de ses paroles sur lesquelles Robespierre ajoute de la politique. C'est pour cela qu'il ne domine pas l'histoire de la Révolution. En revanche il a inspiré les écrivains et les cinéastes comme Abel Gance qui se donne le rôle dans son Napoléon. Avec son visage fin, ses longs cheveux noirs il a tout du romantique qui donne l'impression d'être né pour mourir jeune. D'ailleurs il aurait aimé être écrivain. Il fut épurateur. Mais c'est ce rôle, nous montre fort bien Antoine Boulant, qui lui a permis de rester sur la scène de l'histoire, à la manière de ces seconds rôles sans qui les vedettes perdraient tout relief.

Antoine Boulant
Saint-Just : l'archange de la Révolution
Passés composés
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 24 euros ; 352 p.
ISBN: 9782379330308

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