Librairie : plus de chiffre d’affaires, plus de marge

Olivier Dion

Librairie : plus de chiffre d’affaires, plus de marge

Trois expériences récentes de libraires dans la Loire, à Paris et à Epernay permettent de préciser les conditions d’une diversification réussie dans la papeterie.

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Par Cécile Charonnat
avec Créé le 19.09.2014 à 02h32 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Si Gilbert Castellino a implanté le 8 décembre 2012 dans sa librairie Bleue comme une orange, à La Talaudière (Loire), un rayon papeterie, c’est d’abord pour dépanner la clientèle. Catherine Rigon, elle, a ouvert en avril 2013, avec la participation financière de la librairie Atout Livre (Paris 12e) et en face de celle-ci, où elle officiait depuis plus de dix ans, le magasin Couleur papier parce que, excepté un Monoprix, il n’y avait plus d’offre dans le quartier. Sylvain Daniel, qui dirige L’Apostrophe à Epernay (51), a profité de son côté de l’abandon de la presse début 2012 pour redéployer le rayon papeterie, présent historiquement dans sa librairie. Mais ces trois expériences différentes débouchent toutes sur le même constat : bien gérée et joliment théâtralisée, la papeterie se révèle pour le libraire un heureux complément, qui fait grimper son chiffre d’affaires et augmenter sa marge globale.

Mettre en scène

Concernant l’agencement, Catherine Rigon a choisi de diviser les 50 m2 de son magasin en deux parties bien distinctes pour accueillir d’un côté la papeterie utilitaire et scolaire, et de l’autre les gammes fantaisie, complétées d’un choix de petits objets de décoration et de beaux stylos. Au fil du temps et de l’augmentation de la largeur de son rayon, Gilbert Castellino a opéré la même combinaison entre papeterie traditionnelle et papeterie dite d’ambiance. Son rayon occupe désormais 8 mètres linéaires sur 1,50 mètre de large et 2 mètres de hauteur. Il n’y a pas d’exposition sur table, mais chaque meuble est modulable. "La mise en scène doit jouer sur l’esthétisme pour marquer la différence ; nous nous devons d’être inventifs sur ce plan", souligne le libraire. A L’Apostrophe, Sylvain Daniel a consacré à la papeterie, au fond du magasin, 40 m2 qui forment une espèce de "corner". Ici, les deux types de papeterie sont réunis pour laisser une large place aux jeux et aux jouets. Occupant un peu plus d’un dixième de la surface totale, la papeterie apporte environ 7,5 % du chiffre d’affaires, soit 90 000 euros pour un CA total de 1,198 million d’euros. Chez Gilbert Castellino, la proportion augmente jusqu’à 20 % du CA total, fixé à 225 000 euros, pour un poids financier de stock équivalent. Couleur papier a, pour sa première année, réalisé un CA de 135 000 euros, atteignant presque le prévisionnel établi à 150 000 euros. "L’apport de chiffre d’affaires complémentaire par la papeterie n’est pas négligeable et m’a permis de compenser la suppression de la presse, souligne Sylvain Daniel. Mais pour cela, elle doit être bien achetée et bien gérée. A ces conditions, elle assure une meilleure rentabilité au mètre carré que le livre : elle prend moins de place et dégage plus de chiffre. Ici, 2 mètres carrés de papeterie me paient mon loyer. Je n’ai même pas calculé combien de mètres de livres il me faudrait pour cela."

Bien gérer ses stocks

L’achat et la gestion des stocks constituent en effet le nerf de la guerre. Et pour les trois libraires, cela ne peut se faire sans une excellente connaissance de la zone de chalandise, de la concurrence, de la clientèle et de son pouvoir d’achat. De l’analyse de ces données découle le calcul du potentiel de vente, donc la fixation de quantités justes et de prix qui ne découragent pas les clients tout en préservant la marge brute, qui oscille entre 40 et 55 %. "L’important n’est pas tant d’arracher l’impossible à un représentant ou à un fournisseur, mais d’acheter au plus juste pour écouler correctement la marchandise. Une fois que l’on maîtrise ces données, on peut réellement négocier", témoigne Sylvain Daniel. Le libraire préfère également "trouver des interlocuteurs qui soient peu ou prou de la même taille que la librairie, souvent plus souples commercialement que les gros papetiers, qui imposent des conditions impossibles à atteindre pour des structures comme L’Apostrophe". Un minimum de commandes et le franco de port régissent en effet l’achat de papeterie, un système que son confrère de La Talaudière qualifie volontiers de "cruel".

Se différencier

Gilbert Castellino mise aussi sur la différenciation, conçue comme un enjeu capital. "Il faut sélectionner des articles différents de la concurrence et surtout des grandes surfaces, aller au-delà des basiques et privilégier la qualité", assure le libraire. Par ailleurs, la papeterie d’ambiance étant soumise à de forts effets de mode, le libraire reste attentif à varier régulièrement ses références et à ne pas trop se charger en privilégiant les petites commandes. Un savant équilibre qui, pour être atteint, "nécessite tout de même du temps", pointe Catherine Rigon. Le temps aussi pour les libraires d’appréhender ce métier de papetier qu’ils apprennent en général sur le terrain et sans vraiment de formation.

19.09 2014

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