1ER FÉVRIER - BD France

Photo LOB, DRUILLET, LEGRAND/DRUGSTORE

Dans l'univers rock et baroque du grand Philippe Druillet, assemblage hétéroclite de planètes surpeuplées ravagées par les guerres, les pollutions et la misère que le dessinateur a mis en scène dans une douzaine d'albums visionnaires depuis quarante-cinq ans, Delirius occupe une position nodale. Cette planète tout entière vouée aux plaisirs, entre bordel et casino, a donné son nom à un album emblématique du travail de Druillet, un chef-d'oeuvre en somme, réalisé avec Jacques Lob au scénario et initialement publié en 1973 chez Dargaud. Delirius retraçait l'équipée sauvage qu'y faisait Lone Sloane, son héros récurrent, "néo-Terrien" aux yeux rouges, une sorte de desperado, de chevalier errant des temps futurs. Accompagné de Yearl, un alter ego martien, il s'emparait du trésor accumulé par Shaan, le puissant Imperator de toutes les galaxies tout en circonvenant les redoutables prêtres de la "Rédemption rouge".

Lone Sloane était né discrètement dès 1966 dans Le mystère des abîmes (Losfeld), avant d'apparaître en majesté dans Les six voyages de Lone Sloane (1972), un album révolutionnaire où Druillet, par la suite très imité, faisait exploser les limites des planches de bande dessinée. Après Delirius et Gaïl (1978), le héros s'efface et revient tour à tour, tout comme son créateur. Celui-ci est toujours plus engagé dans d'autres projets (peinture, design, décoration, projets audiovisuels...). Il est ballotté par les aléas de sa vie personnelle percutée par la disparition prématurée de sa femme, qui lui inspirera le très émouvant La nuit (1976), comme par ses aventures éditoriales, de Dargaud aux Humanos, à Stock, Albin Michel et finalement Drugstore.

Dans Chaos, son dernier album, en 2000 (1), Lone Sloane tendait vers le mythe. Pour Delirius 2, un album à l'histoire compliquée, puisqu'il a été entamé dès 1987 avec Lob, mort en 1990, repris en 2004 avec Benjamin Legrand avant d'être encore interrompu, il s'incarne à nouveau. Mais c'est un héros vieilli qui, accompagnant Yearl à la recherche de sa fille emmenée sur Delirius pour y être prostituée, va retrouver ses vieux démons et ses ennemis de toujours. Un sage un peu fatigué mais dont l'ultime voyage donne une nouvelle occasion à Druillet de manifester son talent graphique.

(1) Voir LH 391, du 1.9.2000, p. 26.

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