Fou rire chez Fauchon . Elle sortait de chez son avocat, j’allais chez mon médecin, bref nous n’avions pas beaucoup de temps pour déjeuner. Mais l’amitié n’attend pas. Le cabinet de son avocat étant proche de la Madeleine, le cabinet de mon médecin au bout de la ligne 14, un rendez-vous à la Madeleine s’imposait donc. Oui, mais où ? La place est grande. J’ai dit, sans y penser : « Devant chez Fauchon ! » A 12h15 tapantes nous nous sommes retrouvés et nous avons éclaté de rire. A côté de la vitrine « Fêtes des mères » (déjà !), une vitrine… révolutionnaire. La boutique ultra-chic scande ce mois-ci « Poetry in the street ». Diantre ! Et offre (enfin à 0,15 € le gramme !) un « thé au parfum de révolution », collector 1968-2008. Sur la boîte (rouge) une égérie de 68 lève le poing sur fond de slogan « L’imagination au pouvoir ». Les fêtes du quarantième anniversaire démarrent chez Fauchon, quel symbole ! Pour un peu on entrerait demander si ce thé est parfumé aux gaz lacrymogènes. La « récupération » dénoncée déjà en 1968 a encore frappé. Mais le plus drôle c’est que mon amie, membre de la Gauche prolétarienne en mai 68, avait participé à l’attaque de l’épicerie de luxe par un commando mao pour aller distribuer foie gras et caviar au bidonville de Nanterre. Une époque où l’on pensait plus à faire venir des immigrés qu’à les expulser, soit dit en passant. Mon amie n’a jamais manqué d’humour et elle se rappelle que   l’action « révolutionnaire », qui n’avait évidemment pas été du goût de l’épicier, ne l’avait guère été plus par les immigrés. Notamment un petit garçon du bidonville qui avait eu ce mot en découvrant pour la première fois du foie gras : « Moman, l’est pas bon le pâté ! » Rappelons en passant aux enfants de Don Quichotte que pour l’hiver prochain si les SDF ont froid, un bon thé s’impose et que le magasin a gardé son nom pousse-au-vol : Fauchon !… Et maintenant les petits enfants de mai . Depuis que les papys du rock, Rolling Stones et autres septuagénaires dans le besoin, tournent sans plus pouvoir s’arrêter, les héros de 68 qui n’ont –eux- plus la santé reviennent en quatrième décennie, appuyés sur les épaules de leur marmaille. Cela donne Glucksmann & Glucksmann, version père et fils. Rotman & Rotman, père et fille. Les deux premiers, auteurs de Mai 68 expliqué à Sarkozy (Denoël), malgré deux heures d’explication sur France Inter ont du mal à expliquer que Sarkozy est le fils caché de mai 68. Si la dialectique comme disaient autrefois les maos peut casser des briques, voici un livre qui ne risque pas de casser trois pattes à un canard. Les Rotman ont emballé vite fait un livre en forme de gros pavé ( Les années 68 , 400 pages, 59, Seuil) qui sent les fonds de tiroirs. Et puis il y a Virginie Linhardt qui publie le très touchant Le jour où mon père s’est tu (Seuil). Née en 1966, fille d’un des chefs maoïstes de l’époque - Robert Linhardt, normalien, auteur de deux livres exceptionnels, L’établi et Le sucre et la faim (Minuit) - elle a assisté à la déchéance de son père : tentative de suicide, séjour en hôpital psychiatrique, puis quinze ans de mutisme. Enquêtant sur sa douleur, elle est partie à la rencontre des enfants des leaders de 68. Que de désenchantement ! Cela me rappelle Calle Sante Fe le film de Carmen Castillo, une des leaders du MIR, mouvement de l’extrême-gauche chilienne, où l’on découvre que la lutte –oh combien légitime ! - contre la dictature s’est accompagnée d’enfants abandonnés à Cuba ou à Paris. La vie de famille et la révolution ne vont pas de pair. Ayant été soixante-huitard tendance brancardier , je ne vais pas me mettre à donner des leçons. Une fois la fumée des voitures brûlées envolée, il m’est apparu que derrière la logorrhée marxiste qui avait envahi les rues de Paris, c’est une aspiration à la liberté qui nous avait mis en marche. Mais la liberté, cela prend des siècles aux peuples pour la conquérir et une vie aux hommes pour s’en approcher. C’est pourquoi 68 est toujours vivant. Sauf que la liberté acquise alors, notamment celle des femmes, est en train de reculer à grand pas devant la demande de sécurité et autres principes de précaution.   Le mur de Berlin est tombé, mais ce n’est pas La fin de l’Histoire (Flammarion) annoncée par Fukuyama. Bien au contraire. Allez voir deux très bons films qui viennent de sortir : La zona et Les citronniers . Dans le premier vous découvrirez le portrait absolument effrayant d’un quartier de Mexico protégé par les hauts murs de la bourgeoisie locale ( Le Monde a publié le 4-5 mai un article intitulé : « Accès fermés, maisons gardées, rues privées, bienvenue sur les Hauts de Vaugrenier » qui montre la Côte d’Azur n’a qu’un peu de retard sur le Mexique). Dans le second les relations stupides d’un ministre israélien de la Défense avec sa voisine palestinienne. A l’abri des murs on a peur. En se protégeant on s’emprisonne. *** Revue de Blogs Il est des blogs dont je ne parle pas dans cette rubrique et que je lis pourtant régulièrement le cœur serré. Des femmes, des hommes aussi, baissent le masque avec pudeur. D’habitude je ne donne pas leur adresse car je crains de favoriser un certain voyeurisme. Je vais –pour une fois- faire une exception en vous conseillant le blog de So, le Chat. D’abord c’est l’un des plus beaux de la blogosphère, ensuite il est plein d’humour et de féminité, enfin son auteure parle d’elle d’une façon bouleversante. Sa grande histoire : avoir un enfant. C’est de l’amour pur, pour les siens (Ah, comme j’envie son Arthur Miller !) et pour ce bébé qui ne vient toujours pas. Vendredi, après plusieurs tentatives médicalement assistées malheureuses, un espoir. Il faut lire les soixante commentaires de ses lectrices (et lecteurs), des inconnus qui lui disent leur attention, leurs encouragements. Qui la maternent. C ’est tout simplement magnifique. Mais faites attention : ce petit chat est fragile. http://lechat14.canalblog.com/ Honneur à thom-thom-thom grâce à qui j’apprends que je possède une « Golb card » chez lui. Dépêchez-vous de le lire sur son blog : http: //legolb.over-blog.com/ , c’est gratuit. Un jour il vous faudra acheter ses livres. Special thanks à Amanda http://www.amandameyre.com/ et Stéphanie http://lectures-de-stephanie.blogspot.com . Elles comprendront.
15.10 2013

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