1er octobre > Essai illustré Belgique

Né à Bruxelles en 1936 et mort en mai dernier, critique, ancien professeur à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Pierre Sterckx est l’un des meilleurs spécialistes de l’œuvre d’Hergé. Il a été commissaire de plusieurs de ses expositions marquantes, dont "Le musée imaginaire de Tintin", dès 1979, soit encore du vivant de son créateur. Sterckx possède une autre légitimité, celle d’avoir été, de 1965 à sa mort en 1983, ami avec Hergé, ainsi que son conseiller en art contemporain.

Le dessinateur, qui avait pensé se consacrer lui-même à la peinture dans les années 1930, avant de renoncer sagement à en faire son métier et de se consacrer aux premiers albums de Tintin, était un fervent collectionneur de ses confrères : Fontana, Dubuffet, Poliakoff, Stella, Roy Lichtenstein, Warhol (qui a réalisé quatre portraits d’Hergé en sérigraphie, en 1977). Une familiarité avec l’art en général, dont les arts "premiers" (africain en particulier), et comme une frustration : Hergé continuera de peindre toute sa vie, pour lui. Le fait de n’être qu’un créateur d’art longtemps considéré comme "mineur" contribua peut-être à causer l’une de ses dépressions. Plusieurs fois, il faillit abandonner Tintin, dont les aventures s’espacent à partir du début des années 1960, avec Tintin au Tibet, suivi des Bijoux de la Castafiore en 1963, pourtant deux de ses chefs-d’œuvre. Et l’on sent bien que le dernier paru, Tintin et les Picaros, en 1976, sans être aussi mauvais que certains critiques (dont Sterckx) le disent, ne l’intéressait plus guère. Quant à L’alph-art, resté très inachevé et publié posthume en 1986, ce n’est pas un hasard s’il devait se situer dans le monde de l’art très contemporain, avec un Haddock rapportant fièrement un H majuscule à Moulinsart ! Mais tout cela était bien nébuleux, et il n’est pas sûr qu’Hergé serait parvenu à mener son affaire jusqu’au bout.

L’essai de Pierre Sterckx est à la fois une monographie définitive de l’œuvre d’Hergé, et une analyse fouillée de ses thèmes et de ses personnages - parfois un peu trop intellectuelle et psychologisante. Les illustrations, provenant des archives d’Hergé, dont certaines rares, sont parfaitement choisies et éclairantes. La partie la plus novatrice concerne les influences des grands peintres sur le travail même d’Hergé : la ligne claire puisée chez Holbein, le trait de crayon chez Ingres…. Et certaines réminiscences : par exemple le bazar dynamique de l’Intérieur hollandais de Miró, métamorphosé dans une scène fameuse de Tintin au Tibet. On aurait aimé que Pierre Sterckx poursuive cette piste d’Hergé et l’art dans un livre spécifique. J.-C. P

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