Croquer l'amour. Le premier roman de Marion Fayolle, Du même bois (Gallimard, 2024), sur une ferme ardéchoise et ses habitants, traversait quatre générations qui reprenaient les unes après les autres l'exploitation agricole familiale. Avec Petit fruit, l'autrice s'intéresse de nouveau à la vie rurale, mais pose cette fois-ci son regard sur un couple de trentenaires qui attend désespérément un enfant. Pour la femme, c'est devenu une obsession : chaque pensée, chaque geste, chaque parole, chaque mouvement, est tourné vers ce désir. Son mari ne sait plus quoi faire pour la rassurer sinon répéter, chaque mois : « Ne t'en fais pas, ça marchera le mois prochain. » Même la chambre de l'enfant est prête à l'accueillir depuis un bon moment. Culpabilisant de ne pas tomber enceinte, la femme pense que « ça doit intimider leur bébé de se sentir tant attendu ».

C'est dans ce contexte que débarque un homme que ni la femme ni le mari ne connaissent. Il prétend que la femme est son premier amour, un amour qui ne lui donne plus de nouvelles depuis quinze ans. Ce visiteur inconnu et au comportement étrange ne dit quasiment rien. Il reste là, impassible, à dévorer la jeune femme des yeux et se met à la dessiner de façon compulsive. Le couple décide de le raccompagner en voiture à quelques kilomètres de là pour qu'il puisse repartir. Mais quelques jours plus tard, l'homme est de retour et continue de croquer la femme sous toutes ses coutures. Bientôt la maison devient comme un musée, ses murs recouverts de dessins. Et tandis que le mari s'absente pour cueillir des coings ou des prunelles, « les fruits des autres », l'homme s'installe progressivement dans la maison conjugale.

Dans Petit fruit, Marion Fayolle expose des scènes de la vie quotidienne et des situations anecdotiques en y insérant des éléments inattendus ou irrationnels. L'artiste écrit comme elle dessine, dans un style qui entremêle douceur et absurde, avec des traits simples, une ligne claire aux allures de croquis, des couleurs pâles et des métaphores accessibles, empruntées à l'imaginaire collectif. Dans le même temps et sur le même ton, Marion Fayolle publie Les aimants (Le Tripode), où elle déploie une série de dessins sur les affres, les exploits, les échecs et les joies de la vie amoureuse.