19 janvier > Histoire France > Victor Schœlcher

Victor Schœlcher (1804-1893) voyage pour se documenter, pour apprendre, pour nourrir sa conviction qu’il faut en finir avec l’esclavage. Pour cela, il lui faut engranger des preuves irréfutables d’une abomination qui n’a que trop duré. Ce voyage en Egypte s’inscrit dans cette démarche. Après les Etats-Unis, les Antilles françaises, Haïti et avant le Sénégal, il se rend du Caire à Louqsor pour comprendre ce qui se passe au pays des pharaons. Il ne tarde pas à l’apprendre d’un marin du Nil. "C’est parce qu’ils n’ont jamais vu les nègres libres que les Européens les accusent de stupidité. Ils jugent l’homme dans l’esclavage comme si la servitude n’abrutissait pas tous les hommes, quelle que soit leur race ou leur couleur." Le vaste territoire dans lequel il débarque en 1844 est en pleine mutation. Il est mené à la baguette par le vice-roi d’Egypte Méhémet Ali qui possède droit de vie et de mort sur ses sujets. A la différence de Flaubert ou de Maxime du Camp, Schœlcher se méfie de tout débordement poétique. L’enthousiasme qu’il éprouve doit d’abord servir la cause qui est à l’origine de ce voyage. Dans son Journal, il n’hésite pas à de longs développements sur l’islam, sur ses relations avec le judaïsme et le christianisme, sur sa culture et ses traditions. C’est son petit côté "Guides bleus". Car Schœlcher est un voyageur pédagogue et observateur. Il est critique d’art et musicologue, ne l’oublions pas.

Jamais il ne cesse le combat, comme le montrent les extraits de son Egypte politique dans la deuxième partie du volume, la plus sombre. Le sénateur des Antilles, qui lutta aussi contre la peine de mort, raconte la misère, la souffrance des fellahs et le prince négrier Ali qui vend hommes, femmes et enfants venus du Darfour.

"Le voyage en Egypte, explique l’historien Philippe Artières dans sa préface, participe de cette conception très moderne de la politique et est l’un des moments clés préparatoires de l’abolition. On y voit pleinement l’originalité et la modernité de son regard se déployer et se différencier progressivement de celui de ses contemporains aussi brillants soient-ils." C’est pourquoi dans sa conviction de changer le monde, il montre moins l’Egypte millénaire telle qu’elle a été qu’il n’indique ce qu’elle ne doit plus être. L. L.

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