14 mars > Cinéma France > François Rivière

A la première projection publique de ce qui restera son dernier film, Complot de famille, une spectatrice s’approcha d’Alfred Hitchcock et lui demanda ce qu’il aimerait voir gravé sur sa tombe. Réponse de l’intéressé : "Voilà ce qui arrive quand on a été un méchant garçon".

C’est par cette anecdote ô combien signifiante que François Rivière clôt le passionnant petit essai biographique qu’il consacre à l’auteur de Vertigo et qui, sans révolutionner les études hitchcockiennes (ce n’est nullement son ambition), enchante par sa vivacité, l’originalité de ses postulats, son humour.

Qu’y a-t-il de neuf à écrire sur Alfred Hitchcock, objet depuis un demi-siècle d’une glose interprétative qui ne tarit pas ? Qu’y a-t-il à écrire après le Hitchcock par Truffaut (Gallimard, 1993), le Hitchcock au travail de Bill Krohn (Cahiers du Cinéma, 2009) ou la biographie "définitive" de Donald Spoto, La face cachée d’un génie (Albin Michel, 2004) ? Rien, ou du moins rien qui ne fasse intervenir la subjectivité d’un auteur. C’est donc vers lui, vers ses propres obsessions de romancier avant tout de l’enfance, que François Rivière tire Hitchcock. Lequel, débarrassé de l’adoration profane et cinéphile, apparaît plus grand que jamais et en même temps comme encombré à jamais par les fantômes de ses vertes années londoniennes qui furent plutôt grises.

Ce serait donc l’histoire d’un méchant garçon peut-être, en tout cas d’un garçon qui sut génialement transformer ses faiblesses, sa solitude, sa colère en autant d’outils à la mesure d’une œuvre hantée. Familier de ce genre biographique - comme l’ont démontré avec éclat son Divin Chesterton (Rivages, 2015), son J.M. Barrie, le garçon qui ne voulait pas grandir (Calmann-Lévy, 2005) ou son Long et merveilleux suicide : regard sur Patricia Highsmith (Calmann-Lévy, 2003) -, François Rivière excelle à nous montrer ce garçon trop gros, amateur de blagues guère de bon goût, obsédé par ses actrices jusqu’au harcèlement et particulièrement connaisseur de toute la littérature d’énigmes et noire, d’Eric Ambler à John Buchan. Un garçon qui passera sans transition de la férule sévère de sa mère à celle de sa femme. Il lui fallait bien cela pour tenir en laisse les chiens de sa tristesse. O. M.

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