Figure majeure de l’histoire des femmes, l’historienne et écrivaine Michelle Perrot a été couronnée du prix de la Bibliothèque nationale de France (Bnf). Récompensée pour l’ensemble de son œuvre, elle recevra sa distinction ce lundi 22 septembre lors du dîner du Cercle des mécènes de la Bnf, qui se tiendra dans la salle Ovale du site Richelieu.
En lui décernant ce prix, le jury du prix de la Bnf « consacre l’œuvre et la personnalité d’une historienne et écrivaine qui a su triompher des “silences de l’histoire”, ». « La Bnf a souhaité honorer la trajectoire exceptionnelle de l’une des plus grandes spécialistes d’histoire sociale de la France contemporaine, professeur et citoyenne engagée et historienne soucieuse de son écriture qui sut et sait faire de l’histoire des ouvriers, des femmes et des “oubliés”, un sujet à la fois scientifique et public », a ajouté Gilles Pécout, historien, président de la Bnf, et membre du jury.
Visibilisation des vies invisibilisées
Née en 1928 à Roux, Michelle Perrot commence à étudier l’histoire du mouvement ouvrier auprès de son maître à penser, Ernest Labrousse, dont elle suit les cours à la Sorbonne. Reçue à l’agrégation et nommée professeure de lycée, elle poursuit son exploration du milieu avec une thèse de doctorat sur les grèves ouvrières du XIXe siècle. Plus tard, elle sera nommée enseignante à l’Université Paris-Diderot, où elle poursuivra sa carrière en tant que professeure émérite.
Outre cette reconnaissance en tant qu’historienne de la France contemporaine, notamment au travers de ses marginaux, ces vies ordinaires qu’elle s’efforce de visibiliser, Michelle Perrot s’impose aussi comme une femme de gauche, engagée dans de nombreux combats contemporains. Elle dénonce ainsi le recours à la torture en Algérie et s’exprime en faveur de la libération de son peuple, et participe, dans le sillage de mai 1968, à plusieurs actions militantes et féministes.
Engagement féministe
Surtout, elle contribue à donner un nouvel écho à ce mouvement émergent. En 1973, avec Pauline Schmitt-Pantel et Fabienne Bock, elle crée un cours sur les femmes à l’Université de Paris VII intitulé « Les femmes ont-elles une histoire ? ». Cette question traversera avec force le deuxième volet de sa carrière, dans lequel Michelle Perrot s’attachera à décrypter l’intime et l’espace privé, réhabilitant les femmes dans l’histoire. Véritable pionnière de l’histoire des femmes et du genre en France, elle codirigera notamment l’œuvre monumentale Histoire des femmes en Occident (Plon, 1991), aux côtés de Georges Duby.
En 2001, l’ensemble de ses articles relatifs à la cause des femmes est rassemblé dans Les femmes ou les silences de l’histoire, paru chez Flammarion. En 2004, elle assure la direction du numéro 17 de La Revue de la Bnf, consacré aux femmes. Quatre ans plus tard, Histoire de chambres (Seuil) obtient le prix Femina, dans la catégorie essai.
Toujours très engagée, et favorable à un féminisme dit « intersectionnel », Michelle Perrot a, plus récemment, publié des ouvrages tels que Le Chemin des femmes (Robert Laffont, collection « Bouquins », 2019), La place des femmes : une difficile conquête de l’espace public avec Jean Lebrun (Textuels, 2020) ou encore Le Temps des féminismes (Grasset, 2023) avec Eduardo Castillo.
Cette année, le jury du prix de la Bnf était composé de Gilles Pécout, président de l’institution, Jean-Claude Meyer, Laure Adler, Antonin Baudry, Barbara Cassin, Jérôme Clément, Antoine Compagnon, Aurélie Filippetti, Emilie Frèche, Géraldine Muhlmann, Christophe Ono-dit-Biot et d’Elisabeth Quin.
Depuis sa création en 2009, le prix de la Bnf couronne l’ensemble de l’œuvre d’un auteur vivant de langue française. Il est doté d’un montant de 10 000 euros grâce à Jean-Claude Meyer, président du Cercle de la Bnf et initiateur de ce prix.