19 septembre > BD Canada

Figure éminente de la bande dessinée canadienne avec ses amis Seth et Joe Matt, Chester Brown avait publié The Playboy dès 1992 chez Drawn & Quarterly, et en français chez l’éditeur québécois Les 400 coups. L’album à travers lequel il relatait sa fascination précoce pour la pornographie et le sentiment de culpabilité qui l’accompagnait est pourtant passé relativement inaperçu. Sa réédition, moins d’un an après la publication de l’étonnant Vingt-trois prostituées (Cornélius), dans lequel l’auteur né en 1960 détaille sur plusieurs années et par le menu, à la manière d’un entomologiste, ses relations personnelles avec autant de péripatéticiennes, lui donne un autre relief. D’autant que Chester Brown l’a en réalité complètement réécrit et redessiné, y ajoutant aussi dix-neuf pages de notes explicatives.

Dans sa nouvelle version, publiée en France en même temps qu’aux Etats-Unis et au Canada, Le Playboy reste la chronique détaillée et totalement autobiographique de la découverte de la pornographie, via le mensuel Playboy, par un adolescent nord-américain de 15 ans. Superposant simplement deux cases par page, Chester Brown y retrace, avec une honnêteté et une vérité qui forcent l’admiration, son premier achat, le cœur battant, du magazine ; la peur d’être découvert ; sa fascination pour la « playmate » du mois, et sa déception si elle est noire ; ses séances de masturbation ; sa recherche des moyens de se débarrasser discrètement du magazine après usage ; et puis le renouvellement du processus, encore et encore, avec d’infimes variations qui introduisent un suspense croissant. Mais en revisitant aujourd’hui cette chronique des débuts de sa vie sexuelle, le dessinateur y a ajouté son propre regard d’adulte, se représentant sous la forme d’une petite chauve-souris qui commente, avec le recul de vingt ans, tous les faits et gestes de l’adolescent de Chateauguay, dans la banlieue de Montréal. Il donne ainsi plus de puissance encore à l’expression de ses doutes et de ses angoisses récurrentes, et à la représentation de cet impressionnant sentiment de culpabilité qui traversera également, bien plus tard, le fameux Vingt-trois prostituées.

Fabrice Piault

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