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Mort du philosophe ghanéen Kwasi Wiredu

Kwasi Wiredu - Photo DR

Mort du philosophe ghanéen Kwasi Wiredu

Le théoricien de la « décolonisation conceptuelle », important bâtisseur de la philosophie contemporaine africaine post-coloniale comme domaine académique et champ d’études, Kwasi Wiredu s’est éteint à l’âge de 90 ans en janvier dernier.

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Par Adriano Tiniscopa,
avec Adriano Bruno Créé le 17.01.2022 à 10h38 ,
Mis à jour le 18.01.2022 à 17h22

Né en 1931 dans un pays qu’on appelait encore la Gold Coast, Kwasi Wiredu est mort à l’âge de 90 ans en janvier dernier, sans date précise.

Après être parti à Oxford en 1960 pour son doctorat en philosophie, Kwasi Wiredu revient dans son pays, entre temps redevenu le Ghana, pour y enseigner pendant plus de 20 ans. Il part ensuite aux États-Unis à la fin des années 1980 engagé comme professeur émérite au département de philosophie de l'université de Floride du Sud. Intellectuel important de la pensée africaine contemporaine, auteur notamment de Cultural Universals and Particulars : An African Perspective (Indiana University Press, 1996) et de Philosophy and an African Culture (Cambridge University Press, 1980), spécialiste d’épistémologie et de logique, Kwasi Wiredu a cherché à sous-tendre à sa réflexion philosophique un bon usage du scepticisme dans une perspective linguistique.

Il s'est notamment interrogé sur la façon de penser dans sa langue natale, l'Akan, quand celle-ci a été sous le joug d'une langue étrangère. Jusqu’où les esprits ont-ils été eux-mêmes colonisés ? A ces questions, Kwasi Wiredu a essayé de répondre. Et ce, au-delà de la dichotomie dont il aurait pu se contenter entre la langue véhiculaire du colon britannique et la langue vernaculaire akan.

La philosophie était avant tout pour lui l'analyse critique des idées et des principes les plus fondamentaux sous-jacents à la pensée humaine. Ses travaux l'ont amené à mettre en regard certains des concepts de la langue et de la culture akan avec certains concepts de la philosophie occidentale. Dans un de ses essais qui prend la forme d'un dialogue interculturel, The Concept of Truth is the Akan Language (University of Nigeria Press, 1985), Kwasi Wiredu prend l’exemple du terme « nokware » en langue akan qu’il traduit littéralement par la « vérité » (truth). Il révèle par cet exemple les difficultés épistémologiques qui en émergent et les disparités sémantiques qui se révèlent. En langue akan, ce qui est « vrai » est simplement « ce qui est ». Donc la vérité (truth) peut se confondre avec le « fait ». Ici, dans sa démarche, Kwasi Wiredu complexifie finalement plus qu'il n'oppose ces deux cultures. Et nous rappelle ainsi que « l'activité philosophique est une et universelle », pour reprendre les termes de Souleymane Bachir Diagne, intellectuel sénégalais. Il nous rappelle également qu'il n'y a pas de philosophie naturelle mais que l'être humain est lui naturellement philosophe.

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