Réfléchissant, consultant, rencontrant, réfléchissant encore pendant plusieurs mois, Francis Esménard a soigneusement préparé sa succession à la tête d'Albin Michel. Il n'a pas déçu. Non seulement l'annonce, en juillet dernier, de la nomination de Gilles Haéri comme directeur général, puis comme P-DG à compter de janvier 2019 a conforté et assuré l'avenir de la grande maison familiale, mais elle a aussi suscité plus largement dans l'édition de littérature générale un mouvement des cadres d'une ampleur inédite. En moins d'un an, au sein de Madrigall comme d'Editis ou d'Hachette Livre, chez Delcourt ou chez Libella, une bonne douzaine de maisons d'édition importantes ont été conduites à remplacer tout ou partie de leurs cadres dirigeants et/ou de leur direction éditoriale. A moins qu'elles n'aient simplement saisi l'opportunité de le faire.

Le processus, qui a aussi commencé à provoquer des transferts d'auteurs, devrait se poursuivre. Certes, le recrutement d'un éditeur reste un véritable défi. On attend de ce mouton à cinq pattes qu'il soit à la fois littéraire et gestionnaire, rigoureux, inventif et sociable, et autant que possible charismatique. Mais pour Marie-Annick Flambard-Guy, la chasseuse de têtes emblématique du secteur, ce jeu de chaises musicales est excellent pour l'édition car « il oblige à rester en alerte sur ce qui se passe ici et ailleurs ».

Il fait en tout cas d'ores et déjà émerger un nouveau profil de patron d'édition, plus jeune et plus féminin, témoignant du renouvellement en profondeur du secteur depuis une douzaine d'années. Souvent formés à l'étranger, moins installés dans une maison en particulier, les femmes et les hommes qui prennent en mains les postes de direction des maisons, et par conséquent les destinées du secteur, sont aussi plus polyvalents, plus souples, plus conscients de l'environnement de leur activité. Un atout dans une période où l'incertitude est devenue la principale certitude des stratèges de l'édition.

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