10 octobre > Beau livre France

Le Moyen Age est clivant. Soit période trouble peuplée de brutes prêtes à vous assommer avec le gourdin de l’obscurantisme, soit âge doré des cathédrales gothiques, des chevaliers et de leur dame, des troubadours, des livres enluminés… Le XVIIIe siècle, dit « siècle des Lumières », a eu cette vision d’un «vilain» Moyen Age, le siècle suivant, celui des romantiques, nourrissait au contraire la nostalgie d’une Arcadie courtoise. La vérité gît entre les deux. Le cœur mais surtout la raison du médiéviste Jacques Le Goff optent pour un Moyen Age « long » qui s’étend jusqu’au XVIIIe siècle, à la veille de la Révolution industrielle. Grâce au Français Denis Papin et à l’Anglais Thomas Savery, la première machine à vapeur voit le jour en 1698. Le développement poussé de la science et avec lui le début d’un point de vue rationaliste donnent le coup de grâce aux croyances médiévales.

Livre après livre, Jacques Le Goff montre que le Moyen Age n’était pas si moyen, pas cette parenthèse à laquelle on l’a longtemps assigné, entre l’Antiquité, mère de la philosophie occidentale et d’une esthétique classique valable jusqu’à nos jours, et la Renaissance, riche moment de l’humanisme et commencement des Temps modernes.

Dans cette nouvelle édition illustrée du Moyen Age expliqué aux enfants (Seuil, 2006), l’auteur abat les clichés sur l’époque médiévale selon le mode de la collection en questions-réponses et au moyen de reproductions d’enluminures ou de peinture sur bois : duel pour une femme, Lancelot contre Palamède pour l’amour d’Iseult ; La profanation de l’hostie d’Uccello ; Diptyque de Wilton figurant les rois Edouard le Confesseur et Edmond le Martyr…

Si bien sûr le poids de l’Eglise fut important, le Moyen Age ne fut pas sans humanités. On brûlait les hérétiques, mais on n’a jamais non plus cessé d’étudier. La place de la femme, bien qu’inférieure à celle de l’homme, est bien meilleure qu’elle ne le fut chez les Grecs ou les Romains. Dans l’amour courtois, c’est la femme qui adoube le chevalier. Mais, plus important que tout, conclut Le Goff, sans Moyen Age, point d’Europe. Il serait urgent que notre continent en manque d’unité s’abreuve un peu aux sources médiévales.

S. J. R.

 

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