6 SEPTEMBRE - PHILOSOPHIE France

Tout le monde aime la nature. Enfin, en principe. Car si on s'apitoie volontiers sur le sort de notre planète à chaque conférence internationale d'où, le plus souvent, il ne sort rien, c'est que, nous dit Christian Godin, il n'y aurait pas que du CO2 dans l'air mais surtout un fort parfum de mensonge. "L'homme moderne est en réalité travaillé par une passion sourde, inavouable et inadmissible, qui est son mépris et même sa haine de la nature."

Où donc le philosophe est-il allé chercher cela ? Il lui a suffi d'observer, bien sûr, les comportements quotidiens, les atermoiements politiques, les déclarations qui ne mangent pas de pain. Et puis surtout, l'auteur de plusieurs excellents livres, comme son best-seller, La philosophie pour les nuls (First), est allé puiser dans les textes. Rousseau, Kant, Descartes. En deux siècles, nous sommes passés d'un homme faible dans une nature forte à un homme trop fort dans une nature fragile.

"Notre sentiment de la nature ressemblerait plutôt à celui qu'un sourd de naissance éprouve pour la musique." On appréciera la clarté du propos, l'humour et les débats ouverts, notamment sur le numérique, qui modifie notre approche du réel puisque nous travaillons de plus en plus sur des artefacts.

Cet éloignement de la nature, Christian Godin la constate aussi dans le roman, la peinture, le cinéma. Le plus souvent, l'homme a resserré la focale sur son nombril. C'est l'effet loupe de l'individualisme triomphant. Au passage, le philosophe souligne que la nature était également peu représentée dans l'Antiquité...

Les grands courants philosophiques contemporains entérinent la domination de l'homme sur la nature. Ou bien ils n'en parlent pas ! Godin ne voit comme exception que Nietzsche, Bergson et Heidegger. Il faut dire que la nature ne pense pas. Elle est, c'est tout. C'est nous qui la pensons. Quand nous aimons la nature, nous prenons la partie pour le tout ; nous n'aimons que ce qui, dans la nature, fait sens pour nous.

Godin remarque aussi que plus la nature est généreuse, moins on la respecte. Plus elle est avare, plus elle est choyée. Voyez la différence entre les civilisations du Nord qui gaspillent et celles du Sud qui économisent.

Nous savons que l'espèce humaine est prédatrice. D'abord pour elle-même. Mais cet essai fait parfois froid dans le dos lorsqu'il énumère les catastrophes à venir. Malgré son pessimisme compréhensible, le livre dépasse de très loin la seule notion d'environnement. Il montre la tyrannie de l'économie, la perte de la notion de totalité dans un monde global, la vulnérabilité de l'homme façonnée par sa puissance technique.

En opposition à Luc Ferry, qui considère que la haine de l'artifice conduit à la haine de l'humain, Christian Godin se demande si l'artifice ne conduit pas justement à vouloir en finir avec l'humain. Pas franchement de quoi nous remonter le moral. Naturellement.

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