Essai/Italie 19 mars Ettore Sottsass

Il n'aimait pas les cases, les choses trop rangées, les aménagements trop évidents. La forme de son livre ne pouvait donc pas épouser les contours traditionnels. Écrit la nuit relève de l'autobiographie, du récit intime et de l'essai. Il est beaucoup question de voyages, de femmes, du corps des femmes, de l'amour des femmes, de la mer qui fait du bien et de la cuisine italienne qui rassérène. « Moi, j'aime les gens qui ne sont pas sûrs d'eux, les perplexes, les modestes, ceux qui essayent de comprendre. J'aime bien les gens qui ont peur. » Et surtout peur d'eux-mêmes, serait-on tenté d'ajouter. Voilà pourquoi lorsqu'il rencontre Ricardo Bofill, il ne se sent pas d'atomes crochus avec cet « homme affamé de succès, nerveux et jaloux ». Il est en revanche séduit par le travail d'Issey Myake et surtout par le mannequin qui porte une robe monumentale comme un rituel. « C'était une sorte de haïku sur la féminité japonaise. »

Ettore Sottsas (1917-2008) apprécie que les choses puissent lui échapper, comme ce fut le cas avec cette jeune femme qui surgit alors que son couple commence à battre de l'aile. « Étrange qu'à cinquante-sept ans on puisse tomber amoureux comme un imbécile. » Le grand designer italien, celui qui dessina la machine à écrire Valentine pour Olivetti en 1969, l'animateur du collectif Memphis, l'ami des poètes de la Beat Generation confie ses réflexions à ce « livre noir que personne ne pourra jamais lire ». Lors d'un séjour en Inde, alors qu'il s'est remarié avec celle qui travaillera à ses côtés, il observe : « Je ne comprends rien, je suis perdu, j'ai l'impression d'être prisonnier de l'obscurité, d'un espace cosmique inconnu et puis surtout de ma propre fatigue, de mon âge, de mon cœur essoufflé, de mes genoux douloureux, et aussi de la solitude. »

Tel un musicien de jazz fatigué, une sorte de Paolo Conte qui continuerait à caresser les notes sur son clavier, il distille ses nostalgies privées au gré de ses illusions, dans un genre de spleen très stylé, limite vintage. « Le propre de la perfection est de se perdre, l'enchantement est voué à disparaître. » On pourrait voir dans ce très beau texte, d'une fluidité comme l'est l'étoffe des rêves, une forme de mélancolie, de mal de vivre. Mais cette désespérance chic peut se traduire dans un autre terme italien : innamorato. Tout simplement amoureux.

Ettore Sottsass
Journal de mes amours - Traduit de l'italien par Béatrice Dunner
Hérodios
Tirage: 2 000ex.
Prix: 16 euros ; 104 p.
ISBN: 9782940666003

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