Il s’agit d’un « traité historique » pour l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), organisatrice de la conférence diplomatique de Marrakech où s’est discuté du 18 au 28 juin l’accord qui devrait faciliter la circulation transfrontalière des œuvres adaptées en braille, audio-numérique ou tout autre format à destination des aveugles et déficients visuels. « Il y avait une ambiance incroyable », témoigne Patrick Gambache, représentant le Syndicat national de l’édition (SNE). Le chanteur Stevie Wonder, lui-même non-voyant, est venu féliciter les délégués. Les négociations duraient depuis près d’une dizaine d’années et les points non résolus étaient encore nombreux à la veille de la conférence, mais personne n’a voulu prendre le risque d’un échec. L’Union internationale des éditeurs, réservée avant la conférence, approuve l’accord et encourage tous les Etats à ratifier rapidement le traité. Le SNE en évalue les implications. L’enjeu est important surtout pour les pays en développement, où les non-voyants sont nombreux et où la pénurie de contenus est grave.
La disposition essentielle de ce traité prévoit qu’une organisation agréée d’un pays pourra demander à celle d’un autre pays de lui transmettre l’œuvre qu’elle aurait adaptée pour les non-voyants, sans autorisation nécessaire des ayants droit. « La France dispose déjà, depuis 2006, dans sa législation, d’un mécanisme déjà pleinement compatible avec les conditions posées par le traité » dont « Aurélie Filippetti se félicite », indique un communiqué du ministère de la Culture.
Ce traité entrera en vigueur après ratification par au moins 20 Etats membres de l’OMPI. A Marrakech, 51 Etats membres l’ont signé, et 129 ont approuvé l’acte final du texte, dont la France. Elle devrait signer rapidement le traité, indique le cabinet de la ministre. La ratification, qui suppose un projet de loi du ministère des Affaires étrangères, prendra plus de temps, d’autant qu’elle entraînera aussi une modification du droit de l’Union européenne concernant la circulation des fichiers, précise le cabinet. « Le délai de transposition peut être long, il ne faut pas s’emballer », prévient Alex Bernier, responsable du projet « accès livre et lecture » de l’association Braillenet, qui salue toutefois le principe de l’accord. « L’adaptation d’un livre est coûteuse, ce traité évitera aux organisations nationales de refaire plusieurs fois le même travail. Et en France, il nous donnera accès à toute la production anglophone. »
Hervé Hugueny
