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Par une nuit d’hiver, un voyageur…

Par une nuit d’hiver, un voyageur…

Portrait de femme autant que libre variation autour de la figure de Radovan Karadzic, Les petites chaises rouges permet de retrouver une Edna O’Brien au mieux de sa forme romanesque.

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Par Olivier Mony,
avec Créé le 24.08.2016 à 21h00 ,
Mis à jour le 26.08.2016 à 00h00

Il faut se méfier des œuvres ultimes autant que de la romancière qui dort. Après la publication de ses somptueux Mémoires Fille de la campagne (en France en 2013, chez Sabine Wespieser), ses lecteurs les plus fidèles crurent que l’octogénaire Edna O’Brien, ayant bien mérité de la littérature, en avait fini avec elle ou au moins avec les chausse-trapes de la fiction. Or, voici qu’en cette rentrée, toujours à l’enseigne Wespieser, paraît Les petites chaises rouges, l’un des romans les plus puissants et enténébrés de colère qui soient, œuvre qui pourrait être inaugurale sans que cela surprenne quiconque.

De quoi s’agit-il ? De nos vies errantes, encore une fois. C’est-à-dire aussi bien de la guerre en Bosnie - les chaises rouges du titre étant celles alignées dans la grand-rue de Sarajevo pour commémorer, vingt ans après, son siège : 11 541 chaises en tout, comme le nombre de victimes qu’il fit -, que de l’Irlande, de solitude, du désir, des impasses du charisme, de la superstition et surtout, comme souvent chez O’Brien, du sort funeste que l’Histoire réserve aux femmes.

Soit, de nos jours, dans un coin perdu d’Irlande, l’arrivée par un soir d’hiver d’un voyageur. Il s’appelle Vladimir, il est grand, étranger, porte beau, crinière blanche et talent de guérisseur. Peu à peu, tout le village, des piliers de pub au curé de la paroisse, qui avait perdu l’idée même de communauté, se laisse séduire. Surtout la belle Fidelma, une Bovary de la verte Erin, mal mariée et le cœur à marée basse, qui va entamer une aventure avec le nouveau venu. Jusqu’à ce que celui-ci soit arrêté, sa véritable identité révélée, convaincu dans sa Bosnie natale de crime contre l’humanité, transféré vers le Tribunal pénal international de La Haye, et que Fidelma, mise au ban des siens, ne doive partir aussi vers Londres, un monde de laissés-pour-compte, la peur, la honte et le regret. Edna O’Brien orchestre cette symphonie du déclassement avec une tendresse, une capacité d’incarnation dans laquelle la colère, cette vieille colère qui l’accompagne depuis ses débuts, a toute sa part. O. M.

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