Roman/France 10 janvier Béatrice Castaner

30 000 ans avant notre ère, sous un climat glaciaire : seule dans une grotte à flanc de falaise, une très jeune femme esquisse avec un bout de pin sylvestre calciné, sur les murs de calcaire éclairés par la seule lueur d'une torche de graisse, la silhouette d'un cheval épousant les reliefs de la paroi. Celle qui n'est « Plus rien qu'un point lumineux dans un océan de noirceur » s'appelle Maÿtio, le nom que lui a donné l'écrivaine passionnée de préhistoire et d'archéologie Béatrice Castaner. Peut-être est-elle l'une de celles qui ont orné les parois de la grotte Chauvet, près de « l'arche de pierre » en Ardèche. L'un de ces énigmatiques artistes d'un très lointain passé qui a un jour dessiné dans l'obscurité d'une grotte, des traits qui relient les humains du fond des temps à ceux d'aujourd'hui.

Seule survivante de son clan sauvagement décimé, cette Néandertalienne, au corps de « quatorze hivers » violenté, a été miraculeusement sauvée de la mort par trois divinités, « les trois sœurs originelles du commencement » : les protectrices Loÿan et Yïelene et la cadette vengeresse Czatibä. Livrée à elle-même, « bravant l'interdit des clans de ne jamais entrer seul dans les entrailles de la terre », elle se met à tracer des traits au charbon de bois, donnant vie dans les ténèbres de son abri rocheux à des animaux qui deviendront immortels.

La romancière fait de ce premier geste artistique une nécessité vitale et métaphysique : maintenir le lien sentimental avec une pouliche enfuie dont Maÿtio admirait la grâce, du haut de sa corniche, dans la plaine en contrebas de son abri. Panser ainsi des blessures inguérissables, apprivoiser la peur dans un monde d'une sauvage hostilité mais aussi marquer le temps, fixer les mythes de la mémoire collective, « rendre l'invisible visible aux yeux de ses semblables », car l'ermite Maÿtio devient « figure tutélaire ». Celle qui initie les autres clans de sa tribu nomade, lorsqu'ils installent leur campement chaque printemps près de la rivière. Elle est le maître, formant dans son sombre atelier d'artiste, des apprentis parmi lesquels Aÿmati, l'une des trois héroïnes du premier roman de Béatrice Castaner paru en 2014.

Si proche de l'état des connaissances actuelles en matière d'art pariétal qu'il soit, La femme-Maÿto a la langue d'un conte archaïque. L'écrivaine accompagne le geste pictural préhistorique de son propre geste poétique, inventant notamment un lexique à partir de signes de ponctuation, et enchante par son imaginaire original, des mystères qui ne seront probablement jamais percés.

Béatrice Castaner
La femme-Maÿtio
Serge Safran éditeur
Tirage: 1 800 ex.
Prix: 16,90 euros ; 160 p.
ISBN: 9791097594428

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